Chronique

François de Larrard

Zoo

François de Larrard (p)

Label / Distribution : Yolk Records

Il est des disques que l’on n’attend pas, qui nous prennent par surprise dans le flot abondant de nouveautés. Zoo en fait partie, la faute à un pianiste trop rare, ou plutôt grâce à un musicien qui se donne le temps : c’est son premier album sur un label de la dimension de Yolk, après plusieurs autoproductions (il faut dire que son auteur est chercheur dans le civil). Et autant l’annoncer d’emblée, c’est une pépite.

Zoo est une sorte d’« album concept ». En effet, François de Larrard nous invite à visiter un zoo imaginaire dont la main gauche, encageant la main droite, délimite le périmètre harmonique et rythmique, et présente sept façons de subir, vivre ou dépasser cet enfermement, autant de portraits complémentaires nés de ces exercices de style. La preuve que toute contrainte peut-être une source de liberté, rêvée ou vécue. On aimerait croire que les animaux en cage ont la même capacité d’émancipation et d’imagination que la main droite du pianiste : courtes, virevoltantes, libres comme l’air, joueuses, ces espiègles et vivantes déambulations dans le parc zoologique sont de petits moments de bonheur et d’inventivité. De la main gauche, il « tend » la musique à l’aide de motifs répétitifs, comme autant de barreaux imaginaires que la droite s’évertue à défier, étirer, déformer, dépasser. La liberté se développe sous contrainte, ouvrant des horizons inespérés. Et pour éliminer tout risque de monotonie, Larrard ponctue ses compositions de constructions plus traditionnelles où l’on sent poindre son amour de la musique classique, autre genre où on retrouve clôture (la partition) et liberté (l’interprétation). Vient s’y glisser une superbe reprise de Monk (« Monk’s Mood »), qui fut lui-même emprisonné à vie dans une cage mentale dont il tira une des musiques les plus personnelles du XXe siècle. Telle est l’étonnante cohérence du propos de Larrard.

Comme toute pépite, Zoo se présente dans un écrin à la hauteur de l’œuvre : la nouvelle Yolk Box. Parce que le disque est en crise et qu’il faut réinventer son support, le label nantais enrobe ses nouvelles parutions dans une boîtier en carton qui comprend des bonus - ici, des reproductions de tableaux de Colette Rouillon -, et en devient un objet de collection pour les amateurs. Enfin, notons que la splendide prise de son réalisée dans la chapelle Sainte-Marguerite de Pornichet sert admirablement cet univers musical unique.

par Julien Gros-Burdet // Publié le 17 janvier 2011
P.-S. :

Sur le site de François de Larrard on peut découvrir de magnifiques pièces en solo.