Chronique

Gabriel Zufferey

Après l’orage

Gabriel Zufferey (p), Sébastien Boisseau (b), Daniel Humair (d)

Label / Distribution : Bee Jazz

Décidément, le trio piano-basse-batterie est plus à la mode que jamais ! Gabriel Zufferey n’y échappe pas et signe un premier album impressionnant pour un pianiste si jeune (il est né en 1984). Il faut dire qu’il est entouré de son illustrissime compatriote suisse Daniel Humair et de l’excellent « baby boomer » Sébastien Boisseau à la contrebasse.

Comme d’habitude, Daniel Humair est parfait dans son rôle de mentor et, fidèle à lui-même, navigue en toute liberté, mais sans jamais perdre le cap de vue. Quant à Sébastien Boisseau, il possède un sens mélodique remarquable et un son boisé superbe qui en font un contrebassiste recherché ; il écrème la scène du jazz et joue dans des environnements aussi différents que Triade, le Gabor Winand Quintet, le Martial Solal Newdecaband ou Määk’s Spirit. C’est donc avec des équipiers de luxe que Gabriel Zufferey nous emmène dans cette croisière !

Agréable surprise : l’album comporte treize morceaux d’une moyenne de trois minutes et le plus long excède à peine les six minutes. Fait plutôt rare à une époque où les improvisations ont tendance à être bavardes. Cette concision est d’autant plus plaisante qu’elle ne se fait au détriment d’aucun des trois musiciens.

La première impression qui se dégage de cet album, c’est la diversité. Tout d’abord les thèmes, avec trois improvisations collectives, un standard - le logique « Here’s that Rainy Day » de Jim Van Heusen -, le très beau « Skating in Central Park » de John Lewis et huit compositions de Gabriel Zufferey.

Ensuite, diversité dans les atmosphères, parfois libres comme dans Après l’orage, « Le bal-Hélène » et « Reminder », parfois nerveuses à l’image de « Smiling », un thème proche de « You’d Be So Nice To Come Home To », du ludique « Hurry up ! » ou du très « monkien » « Just before », sans oublier l’hypnotique « La Tsu », les tranquilles « Remembrance » et « Strange », ou le dansant « Entre deux, entre-temps et à trois temps ».

Enfin, diversité du jeu de Gabriel Zufferey. Globalement, la délicatesse de son toucher le place davantage dans la lignée des pianistes mélodieux et méditatifs à la Bill Evans que dans celle des pianistes rythmiques à la Ahmad Jamal. Si sa sonorité et son phrasé évoquent assez souvent Brad Mehldau, par exemple dans « Strange », il semble néanmoins chercher à faire une belle synthèse du langage des anciens tels que Bud Powell dans « Hurry up ! », Keith Jarrett dans « Smiling », voire Lennie Tristano dans « La Tsu ». On ne peut que louer cette tentative qui l’empêchera de sombrer dans une préciosité trop marquée.

Après l’orage est donc un album varié et intéressant dans lequel Daniel Humair et Sébastien Boisseau font des merveilles, tandis que Gabriel Zufferey s’affirme comme un pianiste prometteur. Voilà un trio qui parle peu, mais bien, ce qui est déjà suffisant pour qu’on l’écoute…