Portrait

Lucien Dubuis dans le boudoir de Proust

Quand un Helvète troque sa neutralité légendaire pour un humour contagieux…


Les lecteurs qui ne connaissent pas encore Lucien Dubuis vont pouvoir se rattraper car il a accepté de répondre aux questions de Marcel Proust, pour CitizenJazz… Pour ceux qui n’auraient pas encore lu son interview : Lucien Dubuis est un saxophoniste et clarinettiste suisse, trentenaire, et qui a déjà enregistré neuf disques d’une musique sans concession, faite d’humour, d’énergie et de joie. Autant de qualités qui lui ont permis de faire un exceptionnel sans faute : trois disques chroniqués, trois ÉLU ! Mais laissons dialoguer Lucien et Marcel…

  • Le bonheur musical parfait…

La communion avec mes potes (les musiciens) et le public (mes potes).

  • En tant que musicien, j’ai été le plus heureux…

Quand les gens sont montés sur les tables (c’est aussi une image). Et aussi en Iran, là où les gens n’osaient pas monter sur les tables, mais où on pouvait sentir qu’ils en avaient envie…

  • Le trait principal de ma musique…

Le mieux c’est de l’écouter, puis de la danser… On fait parfois beaucoup de théories pour expliquer des oeuvres ou des démarches, mais finalement la musique est plus facile à écouter, et plus subtile que les théories. On peut quand même dire que je cherche à avoir une démarche contemporaine (je suis en quête de moyens d’expression ou d’assemblages originaux) mais festive.

  • Si je devais changer une chose dans ma musique…

C’est surtout ce qu’il y a autour que j’aimerais changer, ce par quoi il faut passer pour pouvoir jouer. Je ne voudrais pas changer le principe qu’il faut qu’elle change souvent.

  • Ma plus grande peur quand je joue…

Qu’il ne se passe rien.

  • Mon plus grand regret musical…

Est d’avoir perdu une formidable complicité avec un musicien avec lequel j’ai beaucoup collaboré.

  • Je rêve de jouer…

Encore et encore avec les projets que j’aime.

  • La qualité que je préfère chez un musicien…

Son enthousiasme et sa folie.

  • Les fautes musicales qui m’inspirent le plus d’indulgence…

J’aime les fautes, ça me donne l’impression qu’on prend des risques, qu’on essaie de s’aventurer au-delà de ce qu’on maîtrise.

  • Mon instrument préféré…

A écouter : le trombone.
A jouer : la clarinette basse.

  • Les musiques que j’aime par-dessus tout…

Les musiques folles, fantaisistes, mais sérieuses, qui vont dans la recherche et qui sont pourtant aguicheuses, sans être prostituées… (compliqué mais pas tant que ça)…

© Michel Vonlanthen / www.jazzphone.ch
Lucien Dubuis au Théâtre du 2.21 à Lausanne
  • Mes héros musiciens…

Dave Murray (guitariste de Iron Maiden) (quand j’étais ado), Cannonball, John Zorn, Jim Black, Chris Wood, Madonna, Henri Dès (quand j’étais petit), Coltrane, Lionel Friedli…

  • Mes disques de chevet…
    Ces temps-ci je ne sais plus trop.
  • La chanson que je siffle sous ma douche…

« Quand j’étais petit je n’étais pas grand… ». J’aime bien le côté absurde et rustique des chansons populaires, mais souvent je n’en connais que les premières phrases. J’ai de la peine à retenir les paroles. Souvent je suis plus attentif à la musique qui l’accompagne, ce qui rend ces musiques un peu ennuyeuses pour moi.

  • Ma note favorite…

Un « multiphonic » dérivé du mi bémol grave au saxophone alto. Une note qu’il est possible de jouer dans beaucoup de nuances différentes, très riche en harmoniques, et qui peut très bien être placée dans des contextes rythmiques, ce qui lui confère une sonorité assez « rock ».

  • En musique, je déteste par-dessus tout…

Les clichés au premier degré.

  • Mes peintres favoris…

Mateo Rodari (mon fils de 5 ans). Il dessine des monstres époustouflants. Dali. Mais je n’ai pas fait beaucoup de recherches.

  • Mes auteurs favoris…

BD : Manu Larcenet, Astérix. Livre : Daniel Pennac, Henning Mankell.

  • Ma boisson préférée…

Le thé vert à la cardamome, la guinness, le bon vin rouge.

  • Mon plat préféré…

Le panang (curry thaï)

  • Mon occupation favorite…

Il y en a plusieurs, qui n’auraient pas de valeur les unes sans les autres : la musique, les bouffes arrosées, les flippers et jeux, danser comme des débiles un petit moment, les fêtes. Parfois lire, quand le bouquin m’engloutit.

  • Le don de la nature que je voudrais avoir…

La sérénité.

  • L’état présent de ma démarche musicale…

Ça avance… J’essaie d’être aussi intègre que possible. C’est à dire que je n’essaie pas de dépeindre un paradis imaginaire, ou de faire une projection du monde parfait dont je pourrais rêver, mais de faire un art en relation avec ce que je vis, ce qui m’entoure, mes sensations, sans omettre mes aspirations. Je recherche également la liberté, et pour ça il est parfois nécessaire de passer par certaines révoltes. C’est ainsi que ma musique peut avoir des allures iconoclastes, satiriques. L’humour permet une plus grande autocritique, d’avoir du recul, à mon sens. J’ai aussi envie de faire la fête…