Chronique

Giridhar Udupa

My Name is Giridhar Udupa

Giridhar Udupa (ghatam, ghata tarang, konnakol), Sam Shackleton (prod, elec, processing)

Label / Distribution : 7K !

Il est enthousiaste et prend un plaisir intense à l’annoncer : mon nom est Giridhar Udupa. On la comprend sa joie puisqu’il s’agit de son premier album publié et qu’il se soucie peu de la classification dans laquelle sa musique sera identifiée. Ouvert aux musiques du monde et improvisateur renommé, il se produit avec des orchestres classiques, de jazz et a étudié avec son père Ullur Nagendra et considère T.H. « Vikku » Vinayakram comme un maître. En Inde, les concerts de Giridhar Udupa durent jusqu’à quatre heures et quasiment toute sa musique est improvisée sur une structure préétablie.

Le ghatam, dont joue Giridhar Udupa depuis l’âge de neuf ans, signifie pot en sanskrit. Cet instrument de percussion créé par des potiers va être frappé plus de deux mille fois durant sa construction afin d’obtenir une hauteur de son souhaitée par les musicie·nes. Tradition oblige, les ghatams sont construits à Manamadurai dans le Tamil Nadu à partir de cinq types d’argile qui proviennent de la rivière Vaigai. Les cinq éléments de la nature - la terre, l’eau, l’air, le feu et l’espace - sont les composantes du ghatam. C’est le jazzman polonais Waclaw Zimpel, partenaire de Giridhar Udupa dans le groupe Saagara, qui a permis la rencontre entre le musicien indien et le Britannique Sam Shackleton, connu pour son album Devotional Songs réalisé avec le chanteur Ernesto Tomasini.

Au-delà d’une collaboration fructueuse entre deux mouvances musicales, l’une acoustique et ancestrale et l’autre électronique et futuriste, ce sont les confrontations soniques entre deux entités géographiques qui se matérialisent avec des atmosphères envoutantes. « Aadi - The Beginning » intrigue ; les mains et les paumes de Giridhar Udupa font résonner le corps de l’instrument avec une formidable dextérité qui envahit les boucles des sons synthétiques. « Khushi - Joy » fait cohabiter des cellules rythmiques développées tout autant par les trouvailles électroniques que par le ghatam. Les improvisations y prennent une tournure surprenante, faite d’une grande diversité. Le Konnakkol, dont John McLaughlin et Don Ellis firent grand usage, est l’art d’interpréter vocalement des syllabes de percussion dans la musique carnatique du sud de l’Inde. Intégré à « Chakra - The Wheel » et « Bhoomi - Mother Earth » par Giridhar Udupa qui s’exprime au-dessus de l’idiome percussif, ce lexique se fond dans l’esthétisme troublant procuré par Sam Shackleton. La technologie développe ici de nouvelle pistes qui conduisent à une liberté interprétative.

Le contraste instauré entre les rythmes enjoués du ghatam et les ponctuations sonores diffusées par l’outillage électronique confèrent une forte identité à cet album. Au-delà d’une collaboration musicale, c’est un alliage inédit entre Orient et Occident qui prévaut. Giridhar Uupa exprime ainsi sa vision de la musique actuelle : « Le rythme est toujours en nous, nous devons l’explorer ».

par Mario Borroni // Publié le 2 février 2025
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