Cet émérite contrebassiste, disciple et ami de Jean-François Jenny-Clarke (ici révéré sur « Nardis »), complice en jazz et en occitanisme de Bernard Lubat, décide de fêter ses quarante ans de carrière en rendant hommage aux maîtres de la quatre cordes qui l’ont le plus marqué dans l’art de la grand-mère.
Cette dernière prend ici un sérieux coup de lifting, dans la mesure où Philippe Laccarrière use et abuse du stick contrebasse (ici à cinq cordes), cet instrument hybride rompant avec le boisé de la lutherie traditionnelle pour développer l’aspect électrique. Et pour cause : Jaco Pastorius figure au panthéon des héros de ce Toulousain exilé en région parisienne. On le comprend : le virtuose américain était une réincarnation électrifiée de Charlie Parker ! De même, l’album se clôt par une version d’un thème d’Eberhard Weber, pionnier de l’instrument ici adopté, héraut du jazz de chambre cher à la maison ECM. Dans cette pièce, la plus longue de la collection, les harmoniques de l’instrument sont mises en valeur au service d’un propos résolument expressionniste.
Curieusement, les choix se distinguent surtout par la brièveté du propos : évitant tout bavardage face à de tels monuments que sont Charlie Mingus et autres Steve Swallow (tiens, encore un qui est passé de la contrebasse à la basse électrique), entre autres, ce maître de jazz s’incline devant son panthéon, tout en irrévérence contenue cependant, rompant la sacro-sainte loi de la succession thème/chorus/thème avec des improvisations toujours plus oniriques (« Little Waltz » de Ron Carter s’en trouve ainsi transfigurée). Un essai contemplatif dont la version live devrait s’avérer jouissive !