Chronique

Helved Rüm

4 million

Simon Henocq (elec, fx), Julien Chamla (dms, fx, objets)

Label / Distribution : BeCoq

On connaît Simon Henocq pour être à l’origine du son si caractéristique de Radiation 10. C’est un membre du collectif Coax dans ce qu’il a de plus électrique, intransigeant, frontal. Quant à Julien Chamla, nous avions pu remarquer avec Hippie Diktat, Power Trio paru sur le label BeCoq, à quel point il frappait avec la rageuse sévérité qui convient aux batteurs situés comme lui aux franges de la noise, du free rock et du métal. Toutes sortes d’étiquettes fourre-tout qui servent à circonscrire ce geyser de nervosité incontrôlable mais constructif. Lorsqu’ils s’assemblent dans Helved Rüm, duo d’électronique et de batterie, c’est pour explorer les limites de leur spectre sonore, de leurs instruments, et même sans doute de leur pression sanguine. Celle qui bat aux tempes aussi fort qu’il est possible.

En témoigne « Mourir c’est nourrir », charge spontanée où les riffs synthétiques paraissent aussi contondants que les coups de boutoir sur les fûts et les gifles de cymbales. C’est du gros son, saturé, sale, qui ballote la musique dans des remous turbides, s’ils ne sont pas simplement acides. On pense d’abord à du rock brut, sans nuance, mais les échappées de platines et autres potards font songer à quelque jazz-rock mutant et fébrile. Les variations apparaissent lorsque l’auditeur a encaissé la charge. Par exemple dans les sinuosités dérangeantes de « Fitness Music » qui érodent une batterie binaire jusqu’à la rendre bancale. Elles sont dans chacun des moments plus placides qui s’installent ça et là, comme des entailles au milieu du chaos, et tutoient presque le silence (« Raw », où la nappe d’électronique progresse dans un mouvement lent et inquiétant).

4 millions est le premier disque co-produit par Coax et BeCoq. Il se trouve à la lisière des deux entités, captant avec beaucoup d’intensité l’énergie commune, faite de bruit et de fureur. En danois, Helved Rüm signifie « Espace de l’Enfer ». Henocq et Chamla en visitent chaque cercle avec une remarquable méticulosité. C’est dense, souvent irrespirable mais diablement exaltant. Jusqu’au « Life Vest Under Your Seat », final qui pique dans les profondeurs avec tous les moteurs en feu. Trous d’air assurés, combustion instantanée. Départ immédiat.