Chronique

Per Møllehøj / Kirk Knuffke / Thommy Andersson

S’Wonderful

Per Møllehøj (g), Kirk Knuffke (cnt, voc), Thommy Andersson (b)

Label / Distribution : Stunt Records

Un album fait d’inattendu. La première surprise vient du premier morceau de S’Wonderful, « Beale Street Blues » où l’on attend avec impatience que le cornet de Kirk Knuffke vienne se caler dans le titre cher à Louis Armstrong ; ce ne serait pas la première fois que le barbu du Colorado lui rendrait hommage. Mais sur ce morceau, Knuffke chante. Clairement et plutôt bien, avec ce qu’il faut de fluidité pour jouer au crooner : il est bien aidé en cela par ses compagnons scandinaves, le fidèle contrebassiste Thommy Andersson et le guitariste Per Møllehøj qui tiennent la rythmique fluide de ce trio sans batterie. Knuffke aime chanter, il le dit dans notre interview et l’avait déjà prouvé, mais dans le contexte de ce disque, cela prend une toute autre dimension. Pour le cornettiste, le chant et son instrument sont liés : il le prouve lorsqu’il poursuit ce blues à l’instrument, ou lorsqu’il enchaîne sur « Elisabeth Town », une de ses compositions qui n’aurait pas déparé sur les bords du Mississippi d’avant-guerre.

L’autre surprise est là : si Per Møllehøj a toujours revendiqué cette musique aux rhizomes plantés dans la tradition, c’est un fait assez neuf pour Knuffke et Andersson. Pourtant, avec « Just Squeeze Me » d’Ellington, les deux compères semblent apprécier le climat. Face à la précision rythmique du guitariste, la réponse du contrebassiste est franche et directe. Andersson ne cherche ni le conflit ni le bavardage, et la concision et la sècheresse de son jeu permettent l’essentiel, la grande liberté de mouvement du cuivre. Il en va de même avec la mélodie de « S’Wonderful » de Gershwin, que Kirk Knuffke emmène danser, laissant tout de même le guitariste mener le bal.

S’Wonderful est un disque joyeux, mais il convient de ne pas se laisser aveugler par l’écume des choses : si le recours à quelques standards permet de centrer le sujet, c’est bien l’exercice des titres originaux qui importe. Ainsi, le charmant « First Draft », proposé par Møllehøj, joue avec son côté langoureux pour permettre aux trois musiciens de jouer avec une forme d’insouciance, le contraire de toute nostalgie mal placée. Knuffke ne chante pas, son cornet le fait. Andersson ne danse pas, ses cordes le font pour lui. L’inattendu a parfois du bon.