Chronique

Henri Texier Strada Sextet

Alerte à l’eau

Sébastien Texier (cl, a cl, as), François Corneloup (bs), Gueorgui Kornazov (tb), Manu Codjia (g), Christophe Marguet (d) et Henri Texier (b).

Label / Distribution : Label Bleu

Fidèle à ses chevaux de bataille, Henri Texier lance cette fois une alerte musicale pour la protection de l’eau avec, toujours, l’Afrique en arrière-plan.

Alerte à l’eau est à la fois un cri d’alarme - « Afrique à l’eau », « Sacrifice d’eau », « S.O.S. Mir » (une reprise de Mad Nomad(s) – et, comme souvent chez Texier, un hommage : « Ô Africa », « Ô Elvin », « Valse à l’eau » dédié à l’acteur de la Comédie Française Daniel Znyk, décédé en 2006.

En compagnie du Strada Sextet, le contrebassiste reprend une forme qui lui est chère : une suite aux mouvements séparés par des intermèdes, approche que l’on retrouve dans Indian’s Week et Mad Nomad(s). Ce sont ici des duos tournants, d’une durée à peine supérieure à deux minutes, dont les titres sont construits sur un même modèle : le mot « flaque » suivi d’un « élément spatial » : « Flaque nuage », « Falque étoile », « Flaque soleil » et « Flaque lune ». Sur Indian’s Week les intermèdes étaient les jours de la semaine et sur Mad Nomad(s), « S.O.S. » + une cause à défendre (le Tibet, Tamasheq, Hozho, MIR etc.).

Si les mouvements appartiennent bien à « la musique de jazz », comme l’appelle Texier, chaque mouvement a son propre rôle : un blues, une valse, un rock, un reggae… Et les atmosphères qu’ils créent apportent une diversité bienvenue.

Comme dans l’Azur Quartet, on retrouve dans le Strada Sextet cette écoute, cette compréhension entre musiciens qui confèrent au groupe cohérence et harmonie. Sébastien Texier est toujours fidèle au poste, ainsi que François Corneloup et Manu Codjia. Gueorgui Kornazov succède à Glenn Ferris, parti vers d’autres cieux, et Christophe Marguet remplace Tony Rabeson à la batterie.

Dans la musique du contrebassiste mijotent des ingrédients du jazz « classique » (« It Doesn’t Mean A Thing… »), de la matière rock (Zappa n’est pas si loin), des épices free (dans les chorus), quelques piments africains (dans les intermèdes), des saveurs européennes (Ah ! la valse…) et, bien sûr, un zeste de blues. Ce mets savoureux est immédiatement reconnaissable… même à l’aveugle ! On ne le répètera jamais assez : Texier est l’un des grands chefs musiciens de notre époque, et on comprend que le magazine Sextant ait consacré son premier numéro [*] à cet artiste exceptionnel.

On pourrait détailler chaque morceau d’Alerte à l’eau, avec son contre-chant, ses jeu rythmique, ses délires mélodiques, ses tensions orchestrales… mais le mieux est d’écouter cet album, captivant d’un bout à l’autre.

Si « les musiciens de jazz sont des sculpteurs de temps qui passe » [*], Alerte à l’eau est une superbe sculpture qui fera oublier à l’auditeur le temps perdu...

  1. « Afrique à l’eau », Henri Texier (3’55)
  2. « Ô Africa », Henri Texier (7’20)
  3. « Blues d’eau », Henri Texier (6’13)
  4. « Flaque nuage », Guéorgui Kornazov & Christophe Marguet (2’26)
  5. « Ô Elvin », Henri Texier (6’48)
  6. « Flaque étoile », Sébastien Texier & François Corneloup (2’20)
  7. « Reggae d’eau », Henri Texier (5’08)
  8. « Flaque soleil », Manu Codjia & Henri Texier (2’02)
  9. « S.O.S. Mir », Henri Texier (7’17)
  10. « Flaque lune », Christophe Marguet & Henri Texier (2’19)
  11. « Sacrifice d’eau », Henri Texier (4’58)
  12. « Valse à l’eau (à Daniel Znyk) », Henri Texier (5’27)
par Bob Hatteau // Publié le 16 avril 2007

[*Sextant n° 1, décembre 2005.

[*Henri Texier. Ibid., page 8.