Chronique

Ozma

Strange Traffic

Adrien Dennefeld (g), David Florsh (sax), Matthias Mahler (tb), Édouard Sero-Guillaume (b), Stéphane Scharlé (dm)

Depuis 2001, Ozma promène son « jazz explosif » autour du globe… jusqu’en Inde et au Népal cette année ! La musique de ce quintet alsacien est un cocktail détonant fait de rythmiques puissantes, de lignes de basse grondantes, de chorus de guitare à tendance rock et de jeux de soufflants apparentés au jazz. Strange Traffic, le troisième disque d’Ozma, est sorti dans les bacs en octobre 2009, après l’album éponyme en 2005 et Electric Taxi Land en 2008.

Une des forces d’Ozma est d’avoir gardé les mêmes musiciens depuis le début : David Florsh aux saxophones, Adrien Dennefeld à la guitare, Édouard Sero-Guillaume à la basse et Stéphane Scharlé derrière les fûts. Seul le tromboniste Guillaume Nuss a été remplacé par Matthias Mahler. Cette homogénéité a permis d’assurer la cohérence du « son ozmique ». Pour Strange Traffic [1] le quintet a également invité Pascal Schumacher (vib, marimba) sur deux titres et huit soufflants pour « The Wizard » [2]. Le répertoire est original et les huit pièces ont été composées collectivement. L’auditeur retrouvera l’esprit des précédents disques : des mélodies humoristiques (« Nana Bozo », « Flibusto », « Titubation matinale »), un couple basse–batterie musclé (« Prise Triviale », « The Wizard ») et des ambiances qui se font et se défont au gré des solos.

Dennefeld penche davantage vers le rock (« Prise Triviale », « The Wizard ») avec des incursions réussies dans le jazz (« Nana Bozo »). Mahler profite du timbre profond de son instrument pour apporter de la gravité au propos (« Sirène »), sans se départir d’un swing bien senti (« Vilnusian Dance »). Florsh joue les jolis cœurs (« Prise Triviale »), joute avec Mahler (« Voik ») et fait même un petit saut par les Caraïbes (« Flibusto »). À l’instar de Dennefeld, Scharlé déploie une énergie proche du rock (« Prise Triviale »), mais sait aussi calmer les esprits (« Vilniusian Dance ») et jouer avec une majesté de circonstance dans l’« ode funèbre » qui introduit « The Wizard ». La souplesse du jeu de Sero-Guillaume permet à la basse d’assurer une assise réconfortante entre les envolées rocailleuses de la guitare, les riffs abrupts des soufflants ou les onomatopées qui ponctuent « Titubation matinale ». Schumacher utilise à bon escient les possibilités rythmiques et mélodiques du vibraphone dans un duo insolite avec la batterie de Scharlé (« Nana Bozo »), tandis que la sonorité boisée et douce du marimba sied à la « Vilniusian Dance » et se marie judicieusement avec le son du trombone.

Les adeptes du jazz mainstream risquent fort de ne pas s’émouvoir devant les extravagances rockeuses d’Ozma. Les suppôts du free trouveront certainement que la musique est amusante mais ne pousse pas assez loin le délire de la déconstruction improvisée. Quant aux autres, ils apprécieront sa vitalité et sa personnalité singulière : elle avance dans le sens de son siècle sans qu’aucun Strange Traffic n’entrave son épanouissement…


  1. « Prise Triviale » (5:13)
  2. « Sirène » (5:19)
  3. « Nana Bozo » (6:31)
  4. « Vilniusian Dance » (4:21)
  5. « Voik » (6:21)
  6. « Titubation matinale » (4:33)
  7. « The Wizard » (7:44)
  8. « Flibusto » (3:48)
par Bob Hatteau // Publié le 23 novembre 2009

[1Titre d’un morceau du premier album d’Ozma.

[2Fred Bocquel (tp), Serge Haessler (cor), Thomas Frand (as), Christophe Rieger (ts), Claude Spenlehauer (bs), Jean-Louis Marchand (cl b), Jean Lucas (tb) et Guillaume Nuss (tuba)