Scènes

Romano - Lê Quang - Texier au Triton

Aldo Romano présente son nouveau trio dont l’album, « Liberi Sumus », sort dans la nouvelle collection « Live au Triton ».


Photo © H.Collon

Samedi 24 janvier 2015 - Le Triton - Les Lilas - Salle 2. Aldo Romano présente son nouveau trio dont l’album, « Liberi Sumus », sort dans la nouvelle collection « Live au Triton ».

La salle est pleine à craquer. Aldo Romano ayant un autre engagement juste après, le concert tant attendu sera court, une petite heure, rappel compris. Suffisant toutefois pour faire la preuve de l’alchimie qui se dégage de cette formation. C’est la deuxième fois seulement que ces trois musiciens jouent ensemble et tout est limpide. La première, déjà en live, et déjà au Triton, c’était le 31 janvier 2014.

Car Romano et Henri Texier c’est bien sûr une vieille histoire, un vieux couple qui n’a plus besoin de se parler pour savoir ce que pense l’autre ; mais la rencontre avec Vincent Lê Quang, elle, est beaucoup plus récente. Une véritable révélation pour le batteur. Elle a aussi eu lieu au Triton, lors de la journée d’inauguration de la seconde salle de ce club. Au sein du groupe « Yes is a Pleasant Country » qu’il formait avec Bruno Ruder et Jeanne Added, Lê Quang lui avait fait une telle impression qu’il l’avait invité au sein de son nouveau projet. L’aventure pouvait commencer.

Et quelle aventure ! Celle d’un jazz libre, sans concession, free (osons le mot), où rien n’est écrit, où tout est improvisé sur l’instant. Une certaine idée du free, cependant, qui n’oublie pas la mélodie. Tout au long de ces cinq morceaux, on passe du rire aux larmes, du cri au chuchotement, de l’aigu au grave, de la guerre à la paix. Lê Quang - impressionnant de maîtrise et de justesse, aussi bien au ténor qu’au soprano - distille tantôt de petites touches de couleur, tantôt de longs solos habités et rageurs. Texier, fidèle à lui même, suant à grosses gouttes derrière ses lunettes, tient le manche et conduit l’ensemble. Romano, l’air de ne pas y toucher, de ne pas être là, impulse la dynamique de chaque morceau, gourou affable et charmeur.

Devant moi gesticule tel un pantin désarticulé un aficionado d’« Aldo ». Il se lève, se tourne, se déhanche, se rassoit, se contorsionne comme si tout son corps était pris dans le mouvement de la musique. Les gens le regardent d’un œil mi-amusé, mi-inquiet. Il les regarde en retour, essayant de capter leur réaction face à ce déferlement de notes.

La salle en redemande. Rappel arraché de haute lutte en guise de poire pour la soif. Et avec ça ? Ce sera tout. A la fin du concert, lorsqu’Aldo vient récupérer baguettes et cymbales, un admirateur italien vient le féliciter dans la langue de Dante : « J’aime beaucoup ce que vous faites ». Nous aussi.

De retour chez moi, je prolonge le concert en écoutant l’album du trio, enregistré il y a un an. Ça ne ressemble en rien à ce qui a été joué ce soir.

par Julien Aunos // Publié le 16 mars 2015
P.-S. :

À écouter : Aldo Romano, Liberi Sumus, Live au Triton, 2014.