Chronique

Isabelle Olivier

Smile

Isabelle Olivier (hp), Tom Olivier-Beuf (p, acc), Raphaël Olivier (elec, fx), Kristiana Roemer (voc), Ernie Adams (dms)

Label / Distribution : Enja Records

S’il y a une constante dans l’approche musicale de la harpiste Isabelle Olivier, c’est la légèreté. Ne pas se méprendre : la légèreté n’est pas forcément frivole ou inconséquente, elle est d’abord et avant tout une approche douce et sans apprêt de la musique. Passionnée par la narration et par l’image, Isabelle Olivier en parsème ses disques depuis trente ans. Smile, son dernier album en guise de célébration, en est le plus brillant exemple. Tiré de la célèbre musique de Charlie Chaplin, que la harpiste saisit avec une douceur peu commune, le titre de l’album est une invitation dans son monde. Un univers où le petit Côme, le baron perché, n’est jamais loin : on le devine sur « Freedom », la très douce déclaration d’indépendance de la harpiste en compagnie de la chanteuse allemande Kristiana Roemer.

Enregistré à Chicago où elle est installée depuis plus de dix ans, Smile visite de nombreux climats, une ligne directrice qu’Isabelle Olivier avait déjà entamé avec Oasis, son précédent album. On est pas surpris dès lors de découvrir un remarquable morceau inspiré des productions actuelles de musique urbaine (« Hip Hop », avec Raphaël Olivier à l’électronique) où elle utilise toutes les ressources de son instrument, rappelant ainsi qu’elle écrit de la musique pour le cinéma et que les fractures entre les genres n’ont pas cours ici-bas. On le remarquera également dans « Cuban Smile » où l’incursion dans la musique cubaine n’a rien d’un hommage appuyé ni d’un passage obligé. Toute la musique est passée au crible et au filtre de l’univers d’Isabelle Olivier, ici aux côtés de l’excellent batteur Ernie Adams et du pianiste Tom Olivier-Beuf, par ailleurs remarqué à l’accordéon sur « Light ».

C’est chose rare que de développer un univers propre avec autant de simplicité. C’est le talent d’une telle musicienne, qui parvient à imposer un monde sans insistance, presque même sans y penser. Bien sûr, lorsqu’on se souvient de son solo Island #41, on comprend que la harpiste est à l’aise quand l’électronique est omniprésente ; ici, c’est un fil d’Ariane, parfois invisible, mais qui relie chacun des morceaux et donne à Smile une cohérence d’ensemble qui ne paraît pourtant pas évidente à la première écoute. Très vite, une réalité s’impose : voilà un portrait composite d’une artiste aussi majeure que discrète.