Tribune

Jam Session # 1

33 + 45 = 78
Chronique actuelle d’un disque 33 tours, ou 45 tours, ou même 78 tours !


Johnny Hodges, Charlie Parker, Benny Carter (as), Flip Phillips, Ben Webster (ts), Charlie Shavers (tp), Oscar Peterson (p), Barney Kessel (g), Ray Brown (b), J.C.Heard (dm)

Intitulé sobrement Jam Session # 1, cet enregistrement date de juillet 1952, et fut suivi d’un volume 2, puis 3, en août et septembre 1953, avec des musiciens différents à l’exception de deux ou trois. La présence de Norman Granz comme producteur, le personnel, et surtout le programme - un blues rapide sur la première face et un « medley » de balades sur la deuxième - pourrait faire croire à un banal « JATP ». Et - surprise - il n’en est rien, car dès le capricant solo de Benny Carter sur le blues, soutenu par de petits riffs insistants et propulseurs d’idées, la machine à musique se met en route pour notre grand plaisir. D’abord avec Charlie Parker, non seulement tranchant comme à son habitude, mais détendu comme il l’est rarement dans ses prestations new-yorkaises : pas étonnant, on est à Hollywood, et tout amateur ayant écouté les bandes de Dean Benedetti sait qu’elles font entendre un Parker littéralement « à vif » la plupart du temps, sauf quand il séjourne sur la côte ouest. Inutile de dire que les autres « altistes » rivalisent avec lui de façon brillante, que Ben Webster joue au chat et à la brute comme il sait le faire, et que seul Charlie Shavers est, comme d’habitude, un peu inutilement nerveux et agressif. Bref, la musique est bonne, retient l’attention, séduit, convainc.

Mais c’est évidemment la pochette qui retient longuement l’attention. Signée de David Stone Martin, elle dessine en premier plan un Parker méditatif, le cheveu court, avec à sa gauche et de dos un Shavers qui fait face à Barney Kessel et Flip Phillips, seuls musiciens blancs de la séance. A droite, assis, avec une cigarette dans chaque main, Johnny Hodges est figuré comme souvent par DSM, les yeux surlignés en noir, et l’air à la fois revêche et légèrement méprisant. Une carotte est posée à ses pieds, on devine aisément pourquoi. Derrière lui, le visage de Ben Webster est dessiné avec soin, cependant qu’Oscar Peterson est assis à l’envers sur une chaise. Quelques traits bien vus et bien tirés : tout l’art de DSM !

La musique qui figure sur ce disque a été éditée en CD, mais elle n’est pas si facile que cela à trouver. D’où l’intérêt de se jeter, à la première occasion, sur ce 33 tours, dans son édition française (comme ici), ou dans sa version originale made in USA.