Chronique

Jean-Baptiste Berger

Persuasive

Jean-Baptiste Berger (ts), Igor Gehenot (p), Lorenzo di Maio (g), Tommaso Montagnani (b), Jérôme Klein (dms)

Label / Distribution : Tacomma

Repéré avec le trio Cadillac Palace, le Rémois Jean-Baptiste Berger fait partie de ces musiciens qui aiment le collectif, jouer sous une identité de groupe où n’apparaît pas clairement son nom, et partager la lumière en parts très égalitaires. Une lumière finissante et languissante comme la pochette de Persuasive qui trahit un goût pour les ambiances nocturnes chères à Sylvain Cathala. C’est le titre du disque, mais Berger n’apparaît que sur la tranche. Ce n’est ni du mystère, ni de la timidité : c’est une volonté de construire avec le fidèle batteur Jérôme Klein une bulle où chacun des musiciens du quintet se sent à l’aise et peut prendre des initiatives. Ainsi « Elbowdy » qui ouvre l’album est une belle rampe de lancement pour la base rythmique roborative de cet orchestre. Tommaso Montagnani à la basse électrique est une ligne sinueuse qui agrège un batteur très en verve. Quant au pianiste Igor Gehenot, il est comme le liant nécessaire avec le saxophoniste pour créer une musique de mouvement.

Il y a une notion de cycles sensibles aux imprévus que l’on retrouve dans le beau « Granville » où la guitare de Lorenzo di Maio, un habitué des orchestres de Sal La Rocca, vient apporter une lame supplémentaire, assez galvanisante. Si le tropisme colemanien tendance Steve est présent, tout comme il l’était dans Cadillac Palace, on s’éloigne assez rapidement des actes d’allégeance que l’on entend parfois ailleurs ; à travers un axe fort entre une guitare atmosphérique et un piano riche en basses appuyées, Persuasive propose une musique à la fois solide et légère malgré la densité.

Le mérite en revient sans doute à l’écriture du saxophoniste, dont la finesse se révèle dans un « Jack Day » un peu mélancolique où peu à peu tout s’efface pour un solo musclé de Berger qui s’amuse à renverser d’un coup les émotions. Cette manière de déjouer les climats tempérés du quintet fait qu’ils ne s’accommodent jamais de tiédeur. Nous sommes dans un disque entre chien et loup qui file à toute vitesse vers une destination inconnue quoique très clairement exposée : le moteur de Jean-Baptiste Berger, c’est l’image, et si Persuasive n’est pas à proprement parler un disque cinématographique, il en reprend certains découpages ou coups de théâtre, à l’image de ce beau « Romy et Lucien » où la fluidité est de mise. Nul besoin de persuasion pour comprendre que ce quintet très prometteur sera à suivre avec attention.