Chronique

Cadillac Palace

La somme des différences

Jean-Baptiste Berger (ts, perc), Sébastien Leibundguth (g, elec), Jérôme Klein (dms)

Label / Distribution : Autoproduction

Lauréat du Prix du Public au Tremplin Jazz d’Avignon, le trio Cadillac Palace est basé en Champagne-Ardennes, autour de son leader, Jean-Baptiste Berger, saxophoniste qu’on retrouve par ailleurs aux côtés de Guillaume Séguron ou au sein de son propre quartet avec Rémi Charmasson. Mais la rencontre de ces trois musiciens est le produit d’un programme européen, CrissCross Europe, auquel participe la structure rémoise Jazzus, qui soutient ce premier album.

Au-delà de l’équation mathématique contradictoire, le titre La somme des différences est avant tout une lapidaire parabole décrivant l’œuvre. On le constate avec « 2 + 2+ 2 = 3 » : les trois musiciens s’amalgament peu à peu pour former un triangle à la rythmique binaire et aux angles résolument aigus. Le saxophone, d’abord ; languide et un peu rêveur, mais vite réveillé par la guitare pleine d’acidité de Sébastien Leibundguth. Son solo central révèle une double culture jazz et rock, comme chez Manu Codjia (que, d’ailleurs, il cite souvent en référence). A son contact, Berger devient plus tranchant, plus musculeux, d’autant qu’il est soutenu par la polyrythmie franche et massive du batteur luxembourgeois Jérôme Klein - l’influence de Stéphane Galland, dont il a été l’élève à Bruxelles, y est plus qu’évidente. Très vite, ces origines incontrôlées se marient en bonne intelligence : il ne s’agit pas ici de fusion mais de confrontation, d’un rapport entre les masses et les timbres qui meut tout le groupe.

Pourtant, à aucun moment, Cadillac Palace ne se pose comme un Power Trio de plus même si « 3 rue Reimbeau », avec sa mélodie simple et répétitive et le labyrinthe de séquenceurs du guitariste, laisse une large part à une puissance rock assez brute mais toujours bien canalisée. On songera d’ailleurs aux proximités avec le Red Quartet de Matthieu Rosso, à Sylvain Cathala, où encore à The Khu. Des références qui convergent vers les différents avatars du mouvement M-Base, d’autant que Berger cite souvent Geoffroy de Masure parmi ses rencontres décisives. Énumérer les racines tiendrait de l’inventaire, elles sont multiples et bien ordonnées. Toutes se rassemblent même dans un délicieux capharnaüm faussement enfantin au cœur de « Bedoniabedroth » pour quelques instants poétiques. Le paysage qui défile par la fenêtre de Cadillac Palace est brillant et chamarré. Embarquement immédiat !