Chronique

Jean-Sébastien Simonoviez

Crossing Life and Strings

Label / Distribution : La Buissonne / Harmonia Mundi

Gérard de Haro est actuellement aux commandes d’un formidable studio d’enregistrement, La Buissonne. Il a fini par céder à la tentation de créer son propre label, et sa première livraison « maison », en 2003, fut un coup double : un premier solo de feu Jean-François Jenny-Clark capté sur le vif au Bass Festival d’Avignon en 1994 puis le solo, intitulé Vents et Marées, du pianiste Jean-Sébastien Simonoviez.

Quatre ans plus tard, Gérard de Haro retrouve ce dernier pour un projet terriblement ambitieux mais parfaitement abouti : jouer des cordes, avec elles, dans toutes les combinaisons possibles. Ce sera Crossing Life and Strings où il réunit trois des meilleurs contrebassistes de jazz actuels, Barre Philips, Riccardo del Fra et Jean-Jacques Avenel, plus celui qui introduisit la basse électrique dans le jazz, Steve Swallow, et pour ne pas bouger son plaisir, il un quatuor à cordes (Opus 33) pour exécuter certains arrangements raffinés (Simonoviez est ici l’auteur de nombreuses pièces). De quoi créer des formules à géométrie variables, toutes sortes de duos autour des thèmes, tel cet « Om » co-écrit avec Riccardo del Fra, qui est ainsi revisité trois fois.

Un festival de cordes où techniques et manières diffèrent ; toutefois, malgré les variations, c’est l’unités, la cohérence de l’album qui frappent. Coltrane est présent dès le superbe et inaugural « Welcome », avec Barre Philips ; le répertoire est subtilement construit, alliant à la ferveur quasi mystique de certaines mélodies la rêverie romanesque (« My Ship » de Kurt Weil/Gershwin), des climats sereins, presque tendres, Léo Ferré (« A une passante » ), et d’autres plus ambiances plus méditatives (« Cavatina »). Le résultat est un album lumineux, comme le prouve cette dernière composition qui rassemble tous les musiciens du projet autour d’une suite en trois parties intitulée « Cosmos ».

Simonoviez exprime une sensibilité associée à une certaine idée de l’instrument : pas de cascades de notes, de recherche de performance ; on « entend » pourtant parfaitement sa sonorité cristalline et tendre, tranchante aussi, et un phrasé si clair qu’il en est presque limpide. Un intimisme exacerbé était la marque de son univers dans l’exercice en solo. En accompagnateur humble et fidèle d’autres cordes, il laisse les développements prendre leur temps, s’abandonnant à la petite « musique des sphères. »