Chronique

Joel Harrison

Free Country

Joel Harrison (g, voc, arr), avec, selon les morceaux : Norah Jones (voc), Jen Chapin (voc), Raz Kennedy (voc), Uri Caine (p), Rob Burger (claviers), David Binney (as), Rob Thomas (v), Tony Cedras (accordéon), Sean Conly (b), Stephan Crump (b), Alison Miller (d), Dan Weiss (d), Todd Isler (perc).

Label / Distribution : ACT

Le guitariste et compositeur Joel Harrison dit de ce CD qu’il représente « [s]a vision de l’expérience américaine », à travers des arrangements jazzy des chansons traditionelles américaines, principalement celles amenées en Amérique par les colons anglaiss d’origine écossaise et irlandaise, les « petits blancs » montagnards du sud, ceux qui ont peuplé les Appalaches. Malheureusement, dans la vision de M. Harrison les racines de cette expérience ainsi que le « caractère intemporel » qu’il déclare vouloir respecter sont à peine perceptibles, effacés par une sophistication anonyme toute moderne.

On peut comprendre son désir de réunir ses influences, mettant son expérience du jazz au service de ce répertoire qu’il aime tant, mais on peut aussi penser que toutes les influences ne sont pas compatibles. A mon avis, ce sont des chansons à chanter au premier degré, et les « ré-arrangements radicaux » qu’elles subissent ne font que nous éloigner de leur force émotionnelle. Quand aux versions instrumentales des chansons comme This Land Is Your Land et Folsom Prison Blues, on se rend compte qu’en tant que mélodies on peut mieux trouver si on veut en faire du jazz. Manque cruellement aussi la puissance rhythmique de ces orchestres à cordes où banjo, guitare et violon rivalisent de virtuosité véloce. Non pas que les musiciens ici ne jouent pas très bien - au contraire, tout est impeccable. Mais là où la musique traditionnelle que ce disque réclame comme source est vitale, essentielle et joyeuse, on ne voit pas la nécessité de celle-là. Et je ne parle même pas de l’effet désastreux de songer, en écoutant Norah Jones chanter Tennessee Waltz, à la version d’Ella Fitzgerald avec Joe Pass.