Chronique

Laurent Geniez/Paco El Lobo/Octave Z

Hors Pistes

Laurent Geniez (sax, machines), Paco El Lobo (g, voc), Octave Z (tb, kb)

Label / Distribution : Marge

Hors Pistes… Ce titre qui donne bien le ton de ce disque qui, sur quinze titres enregistrés entre 2005 et 2007, romprent avec la rigueur formelle du flamenco en l’associant à l’électro et au jazz.

En 2005, Laurent Geniez (Collectif Slang) fait la connaissance de Paco El Lobo, guitariste de flamenco, qui a la particularité rarissime de jouer et de chanter le flamenco. A ce duo vient s’ajouter Octave Z qui officie en général dans le milieu rock et pop et apporte ici les inventions sonores de l’électro.

Si El Lobo n’avait fait preuve d’une formidable ouverture d’esprit, on aurait abordé avec quelque méfiance cette musique où Laurent Geniez joue aussi bien des sax alto et soprano que des jouets pour enfants, des tuyaux de machines à laver ou des boîtes de conserves ! Et effet, ça surprend et ça secoue : le carcan flamenco vole en éclats et il n’émane pas de ce mélange la densité caractéristique du flamenco, sa gravité, sa profondeur. Les cartes sont redistribuées. La musique n’en est pas pour autant dénuée d’émotion, de tension. En témoigne « Santiago » et son ahurissante entrée en matière à décoiffer un chauve.

On ressent tout de même un certain décalage entre deux musiques qui dialoguent peu. « Place Candolle » est révélateur de ce vertige où chants et instruments se superposent et se mêlent sans qu’on trouve de point de réconciliation. On n’y perçoit pas de symbiose entre le sax aride de Geniez et le chant chaleureux d’El Lobo, contrairement à « Martinente » et « Con el Vapo de Mi Aliento », deux morceaux à l’instrumentation plus rudimentaire.

Le propos des trois musiciens n’est visiblement pas de « faire fusionner » deux ou trois styles de musique mais plutôt d’inventer une forme d’expression élargie au service de la douleur exprimée dans le cante flamenco. Ce dernier en ressort comme « durci ». L’électro et le jazz sont là pour accentuer le propos et l’urgence propre à cette musique, pour lui donner un autre éclairage. D’où les effets sonores, plaintes et complaintes du saxophone, hurlements de la trompette etc.

Si tel est bien est le but recherché, c’est réussi. La démarche n’est pas nouvelle, et cet Hors Pistes peut s’apparenter au « Nouveau flamenco », qui intègre de nombreux courants musicaux du XXè siècle - dont le jazz -, et ne fait pas l’unanimité chez les aficionados… Le résultat ne laisse pas indifférent mais les purs et durs du flamenco auront peine à y trouver leur compte.