Chronique

Leïla Martial Baa Box

Warm Canto

Leïla Martial (voc, fx), Pierre Tereygeol (g, voc), Eric Perez (dms)

Label / Distribution : Laborie Jazz

Si Baa Box est le reflet de la personnalité généreuse de Leila Martial, et c’est intrinsèquement le cas, nul doute que la chanteuse est une fée. Oh, pas une fée de conte idoine, qui se répand en froufrous rose bonbon et incantations sucrées. Pas non plus une fée pour enfants sages, qui se déplace dans une clinquante poussière d’étoiles. Non, une vraie fée, avec quelques pouvoirs surnaturels et beaucoup de grandeur d’âme : maîtriser les rythmes et les faire reluire, rêver et emmener l’auditeur partout, dans une chimérique « Nuit Pygmée » à l’élégance profonde ou dans la vision kaléidoscopique de « Serendipity », où Pierre Tereygeol l’accompagne à la guitare et à la voix, avec une simplicité posée comme un principe de base. L’atmosphère est chaleureuse de pied en cap dans ce troisième album du trio, malgré le paysage de neige. Warm Canto porte bien son nom et irradie la chanson-titre, entre babil et chant d’oiseau, dans une mécanique rythmique joliment dessinée par Eric Perez.

On ne rompt pas un charme, ainsi Leïla Martial a gardé la même équipe que pour Baabel, son précédent album ; elle s’est recentrée sur son noyau : en témoigne « Petit temps volé » qui joue avec guitare et percussions comme si les sons venaient de toutes parts pour nourrir l’imaginaire du trio et unir les voix. Après la poésie franche et directe du précédent album, le propos de la chanteuse est plus éthéré, s’attache moins aux mots. La voix se fait instrument, capable de toutes les cabrioles sans pour autant chercher la performance. Elle joue, Leïla, au sens strict, avec ses compagnons et avec les sentiments de l’auditeur : nous emmène loin, revient tout aussi vite, fait demi-tour… On passe en quelques secondes d’une voix pleine, très travaillée à la candeur du son cristallin d’un instrument-jouet ; plus loin, la guitare bouscule quelques vocalises qui ne font pas l’erreur d’être outrées. Les images sont fortes, parfois un peu naïves, ce qui les incarne encore davantage dans l’imaginaire.

S’il est bien un morceau qui illustre au plus près l’esprit magique de cet album, c’est la suite que constituent « Le Sourire du clown » et « La Danse du clown ». Peut-être parce que la chanteuse se définit elle-même comme un clown, mais surtout parce que cela réunit la légèreté et la sincérité qui sont les deux jambes sur lesquelles se tient solidement le trio. Tout commence dans un tintinnabulis soutenu par une guitare et une voix lointaine qui devient de plus en plus charnelle à mesure qu’elle se dédouble et trouve de nouveaux chemins de cocagne, vers une grâce inconsciente et légère comme une plume. Ici réside la magie, et c’est un minerai brut qui irradie sans fin. On pourrait se croire loin des biques de Baabel, auxquelles Martial disait appartenir. On en est pourtant proche : même appétence pour les flancs de coteaux abrupts et les libertés qui se gagnent de haute lutte, même goût pour les déplacements collectifs qui ne rognent pas sur les choix individuels. Avec Warm Canto, Leïla Martial continue avec volontarisme à affirmer sa personnalité. C’est ainsi qu’on l’aime.