Chronique

Eric Séva

Espaces Croisés

Eric Séva (ss, ssino sbar), William Lecomte (p), Lionel Suarez (acc), Pierre-François Dufour (d, cajon)

Label / Distribution : Le Chant du Monde

Trois ans après son remarquable premier album Folklores imaginaires, Eric Séva signe avec Espaces croisés un second volume dans la continuité logique du précédent. Les compositions sont toujours aussi finement ciselées. Le résultat de ce travail d’écriture, qui explore avec exigence les trois axes majeurs que sont le rythme, la mélodie et l’harmonie, évoque fréquemment le tango ; la présence de l’accordéon de Lionel Suarez, instrument emblématique de ce style musical, renforce encore cette impression. Pourtant, la musique de Séva est bien plus que cela — et peut difficilement être étiquetée, comme l’indiquent bon nombre de titres : « Résonances », « Crossroad », « Espaces Croisés », « Transit », « Identité vagabonde »… L’esprit du voyage, des déambulations et des rencontres de fortune est bien présent tout le long du disque.

Comme pour concentrer encore l’attention sur l’écriture, et à la différence de Folklores imaginaires, le leader se produit ici en quartet - assez original cependant pour oser se priver de basse -, sans invité ni instrument exotique. Aux deux saxophones, baryton et sopranino, qu’il maîtrise à la perfection, il ajoute ici le soprano, ce qui lui permet de couvrir un registre très étendu. Grâce à cette souplesse, il peut ne pas se limiter au rôle de soliste : ainsi sur « Résonances » le baryton offre-t-il de riches ostinati qui servent de socle rythmique aux improvisations des autres membres du groupe.

Qui sait lire entre les lignes, ou plutôt écouter entre les mesures, aura peut-être une idée des prochaines explorations musicales du saxophoniste : deux morceaux contrastent en effet singulièrement avec la tonalité générale : « Transit » délaisse l’esprit de l’Argentine au profit d’un groove tranquille et « Identité vagabonde », envahi de bruits urbains et de rythmes africains, abandonne l’écriture pour se tourner vers une sorte d’improvisation collective. Malgré son indéniable qualité, le reste de l’album ne surprendra pas les connaisseurs, mais ces deux titres éveilleront leur curiosité et leur impatience quant à la suite des aventures musicales d’Eric Séva.