Chronique

Les pommes de ma douche

…Y va tomber des cordes !

Dominique Rouquier : guitare solo, Pierre Delaveau : guitare ; Laurent Delaveau : contrebasse ; David Rivière : accordéon ; Laurent Zeller : violon

Label / Distribution : Le Chant du Monde

A moins de vivre depuis quelques années au fond d’une caverne oubliée de tous, nul ne peut ignorer le retour actuel du jazz manouche sur le devant de la scène. Citons le festival de Samois-sur-Seine, en plein essor (notamment cette année pour le cinquantième anniversaire de la disparition de Django Reinhardt), les deux enregistrements Gipsy Project de Bireli Lagrene, l’émergence au niveau du grand public d’un artiste tel que SanSeverino, qui place le swing manouche au service de ses textes… Et ce ne sont que quelques exemples de l’héritage de Django.

Le groupe français Les pommes de ma douche, créé en 1993, apporte sa pierre à l’édifice en présentant son premier disque …Y va tomber des cordes ! constitué de compositions personnelles et de standards. Outre les incontournables tels que After You’ve Gone, Sweet Georgia Brown ou Douce Ambiance immortalisés par Django et Stéphane Grappelli, l’originalité du disque se manifeste d’une part grâce à la reprise d’un magnifique traditionnel (Swing gitan) et d’autre part via quelques compositions particulièrement riches, notamment le morceau d’ouverture Saint-Pierre Blues, dont la ligne mélodique et les improvisations sont de pures réussites.

Au-delà même du répertoire, la richesse de l’enregistrement se révèle à travers la structure particulièrement bien choisie du groupe, quintet comptant deux guitares, contrebasse, violon et accordéon. La présence de ce dernier permet de mettre davantage en valeur la facette musette indissociable du jazz manouche mais habituellement moins perceptible, tandis que l’association du violon et de l’accordéon révèle toute la mélancolie des titres d’inspiration gitane (l’introduction de Czardas notamment). Les improvisations sont justes, virtuoses mais néanmoins sobres, sans tourner à la démonstration de vitesse, gagnant leur originalité en s’aventurant au-delà des traditionnelles gammes manouches pour puiser dans le registre tzigane ou jazz.

Bref, au-delà d’un énième enregistrement de jazz manouche, Les pommes de ma douche proposent une relecture intelligente du patrimoine de ce style. On est en présence d’une formation qui a assimilé le swing manouche, qui fait preuve d’une grande spontanéité et d’un indéniable plaisir de jouer et de partager.