Les turbulences de Legraux Tobrogoï
Legraux Tobrogoï au Pavillon République de Toulouse pour Artistes en Scène.
Legraux Tobrogoï © Claire Hugonnet
À l’automne, le Conseil Départemental de Haute-Garonne enchaîne à vive allure les événements culturels. Une aubainepour celles et ceux qui s’émerveillent de la culture puisque, après Jazz sur son 31, c’est Artistes en Scènes qui occupait les planches altogaronnaises.
À cette occasion, Legraux Tobrogoï foulait celles du Pavillon République.
Legraux Tobrogoï, c’est un sextet d’enfer, dans un registre tonique à souhait qui flirte bien sympathiquement avec tout ce qu’il y a de bon dans le rock et le punk. Avant ce concert, on avait eu l’occasion de se familiariser avec leur univers bien déluré puisque le groupe venait de publier Pantagruel Résolu, leur troisième album. On s’attendait à un concert du même ordre. Ce fut le cas et peut-être mieux encore.
Il faut dire que Colin Jore, le leader, est un sacré bonhomme. Bassiste et contrebassiste, c’est aussi un militant de la musique, de son pouvoir évocateur et d’une bonhomie qui fait que la scène s’invite dans la vie et inversement. C’est en tout cas le sentiment qu’on pouvait avoir en savourant la musique intrépide et son déroulement scénique.
- Legraux Tobrogoï © Claire Hugonnet
Tout a commencé avec des remerciements – « Merci d’être venus avant la fin du monde » – aussi fanfaronnesques qu’ils sonnaient juste. Des sourires, des rires et, hop, le sextet enchaîne sur les chapeaux de roue avec « Arrête ton char », un méchant morceau avec une pulsion rock et tout ce qu’il faut pour installer le cadre. Le cadre précisément, c’est celui d’un univers qui aurait pu être de feu et de sang. Il est celui des mob’, de la déconnade entre potes, de la picole et de la vie qui s’emballe. Et tout est ainsi. Guitare électrique, en l’occurrence une Ibanez au look Gibson Les Paul, quelquefois saturée, souvent énervée sous les doigts de Nicolas Poirier, une section de souffleurs composée de Nathanël Renoux, David Mimey qui remplaçait pour ce concert Florian Nastorg pris ailleurs, et Yvan Picault, la batterie de Fabien Duscombs et la basse, trônant au milieu, de Colin Jore. Une belle équipe comme celle qu’on imagine aller foutre la pagaille au troquet ou au baloche. Le bal justement, il s’invite ici sous forme de virée. Le sextet y raconte somme toute une histoire à la Renaud mais avec une verve instrumentale d’un autre registre et, disons le tout de go, d’un autre niveau. En tout cas, là encore il est question de mobylettes chevauchées, de drague et de bagarre ou pas loin. Morceau fondamentalement brutal mais qui s’attendrit bientôt, signifiant ainsi la danse, la drague, le slow, suivi d’un solo volontairement sur-réverbéré de guitare rappelant le rock aguicheur de la fête foraine. Mais surtout, on imagine la tension sur la piste de danse ou à la buvette, la bouteille sur le point d’être transformée en tesson, le coup de poing, le nez cassé, la bataille anarchique et la fuite en mob’.
Avant ça, les six musiciens avait envoyé « « Manfela Malik » avec un riff de guitare aux accents funky, les souffleurs en section et un groove du tonnerre. Au-dessus volaient quelques chorus dont la trompette de Renoux. On se serait volontiers téléporté sur la West Coast dans les 1970 avec ce cruising du côté de San Diego ou Los Angeles qui sonnait comme une déambulation, bourré de soleil et de grandes décapotables. Le morceau se termina dans un crissement de freins. Sans surprise, faut-il dire, au vu de l’univers borderline de Legraux Tobrogoï. Bien entendu, tout se terminera avec un rappel, en l’occurrence « Passpawtampon », et la vie décrite sans chichi ni tabou.