Scènes

Le folklore improvisé de Robin Fincker

Initié par Robin Fincker, le projet Future Folk Stories est en construction permanente.


photo R. Benoit

Dans le cadre de la programmation Hors les murs de l’AJMI, Future Folk Stories a pu être présenté au public pour la première fois, en sortie de résidence au Vélo Théâtre d’Apt.

Initié par Robin Fincker dès 2021, le projet Future Folk Stories est en réalité en construction permanente. Fruit de nombreuses rencontres autour de l’idée de collectage sonore, l’œuvre présente des bandes-son de voix, de témoignages, de chants, qui dépeignent les rapports singuliers que l’on peut nourrir avec le folklore et les traditions. À partir de cette matière première, cinq musicien.ne.s interagissent dans l’improvisation et le modelage de sons, et esquissent les contours d’un folklore du futur.

Ce n’est pas tout à fait un hasard si la résidence de création qui a précédé ce premier concert de Future Folks Stories s’est déroulée au Vélo théâtre d’Apt. Le lieu joue son propre rôle dans le processus de création du projet puisque Robin Fincker le découvrit tout jeune lorsque son père Benoît Fincker y concevait des spectacles. L’occasion était belle de réunir père et fils sur la conception scénique, notamment les lumières du spectacle. Car Future Folk Stories est visuel : la musique ouvre des portes par lesquelles apparaissent ou disparaissent les différents protagonistes. Le jeu de lumières permet de saisir avec beaucoup plus d’acuité la circulation des sons dans l’espace et les interventions particulières.

Photo R.Benoit

On retrouve donc sur scène Robin Fincker au saxophone ténor et à la clarinette, Fanny Lasfargues à la basse électro acoustique, Fabien Duscombs à la batterie, Natacha Muslera à la voix, Mathieu Werchowski au violon et aux machines, sans oublier Anaëlle Marsollier au son. La force de cette pièce est la réelle présence des voix sur scène. Ces voix enregistrées, dans le cadre de l’élaboration du projet, ne sont pas qu’une bande sonore qui illustrerait la musique. Elles se trouvent mises en scène au cœur d’une seule réalité que l’ensemble permet. Les musicien.ne.s disparaissent parfois de la scène pour leur laisser toute leur place. Elles conduisent et inspirent le jeu. Elles donnent le ton.

Dans une alternance de mélodies écrites et improvisées, de sons distordus, de grondements mais aussi de silences, les musicien.ne.s délivrent une interprétation d’une grande richesse. On voit une Fanny Lasfargues habitée, qui extirpe des sons inédits de son imposante basse ou laisse tourner une ligne mélodique qui semble l’emporter, créant des vagues sonores qui l’enrobent. Natacha Muslera investit la scène et la salle, plaçant sa (ou ses) voix dans l’espace. La batterie de Fabien Duscombs suggère une pulsation, produit des (dé)roulements, des claquements organiques, comme articulés. Mathieu Werchowski, en conducteur de machines, impulse les directions que prend l’ensemble et vient rejoindre Robin Fincker pour des interventions mélodieuses.

De l’émouvant « Frames of Gold » à la poésie de « Le Jardin des amours », en passant par la turbulence de « Les Voix », cette création anticipée et spontanée d’un folklore en devenir conjugue tant d’exercices de style à la fois qu’il aurait été facile de s’y perdre. Loin de là, on perçoit dans la multitude des approches du concept de tradition une cohésion, parce qu’aucune voix ne compte plus qu’une autre. Le folklore est vivant, il se réalise tout au long de cette œuvre d’une grande justesse.