Chronique

Louis Sclavis

Lost on the Way

Louis Sclavis (clar., clar. b., s.s.), Matthieu Metzger (s. & a.s.), Olivier Lété (b.gt.), Maxime Delpierre (gt.), François Merville (batt.).

Label / Distribution : ECM

Heureux qui comme Ulysse…

On connaît depuis longtemps les penchants affirmés de notre Louis national, l’un des premiers pionniers du jazz dit européen, pour d’autres territoires musicaux (folklores, musiques ethniques, domaines contemporains), ses relations avec les mondes de Duke Ellington (On the Air) et Jean-Philippe Rameau (Les Violences de Rameau), le cinéma (Autour de Charles Vanel, Dans la Nuit), la danse, les arts plastiques (Ernest Pignon Ernest, Napoli’s Walls) et le langage (L’imparfait des langues).

Douze plages/étapes pour ce périple musical inspiré d’Ulysse dans l’Odyssée écrite par Homère en vingt-quatre chants vers la fin du VIIIè siècle avant J.C., poursuivant ainsi le travail inauguré avec le précédent quintet et, dixit Sclavis : « inventer de nouvelles musiques dans lesquelles on s’engage pleinement au risque de se perdre… aller vers l’inconnu… me laisser tomber de Charybde en Scylla en essayant de maîtriser le vent et les vagues pour au retour pouvoir raconter le voyage. »

Plus que précédemment, me semble-t-il, le travail de/du groupe s’impose à travers/dans l’écriture, la matière/manière sonore, déambulation syncopée au gré des étapes/occurrences de ce voyage imaginaire à forte densité onirique. Plus que précédemment aussi, me semble-t-il, les mélodies sont plus immédiates, plus prégnantes dans ces unissons répétés, qu’elles soient dansantes, comme portées par les vents (« De Charybde en Scylla »), ondoyantes (« Le sommeil des sirènes »), inquiétantes voire angoissantes (« Aboard Ullysse’s Boat », « Un vent noir »), ou enfin apaisées (« L’Absence »). Vanter les qualités de ces musiciens paraît superflu tant elles sont évidentes dans la constitution même du groupe. Saluons les présences nouvelles de Matthieu Metzger et d’Olivier Lété offrant une impulsion régénératrice aux côtés des autres compagnons de plus longue date.

Au regard de la modernité, de l’actualité de cette musique (de son intemporalité aussi), la référence à un autre Ulysse (Léopold Bloom, « Lost on the way » aussi dans la ville de Dublin le 16 juin 1904) celui de James Joyce, plus proche de nous dans le temps, est tout à fait envisageable et, pour moi, envisagée ; référence incontournable qui devrait convenir à Louis Sclavis, gourmand de littérature (cf. son admiration pour Erri de Luca).


Toutes les compositions sont de Louis Sclavis, sauf la plage 2, en collaboration avec O. Lété.

1/ De Charybde en Scylla. 2/ La première île. 3/ Lost on the Way. 4/ Bain d’or. 5/ Le sommeil des sirènes. 6/ L’heure des songes. 7/ Aboard Ulysse’s Boat. 8/ Les doutes du cyclope. 9/ Un vent noir. 10/ The Last Island. 11/ Des bruits à tisser. 12/ L’Absence.

Enregistrement du 20 au 22 sept. 2008, Théâtre de St. Quentin-en-Yvelines