Chronique

François Couturier

Un jour si blanc

François Couturier (p)

Label / Distribution : ECM

Dans un court texte d’accompagnement « Les rêveries du promeneur solitaire », François Couturier, artiste singulier dans tous les sens du terme, déclare que « l’improvisation solitaire » (à laquelle il se livre pour la première fois sur disque) « est une sorte de miroir de soi-même, une façon d’extraire des ‘mémoires accumulées’ pour faire surgir un univers musical personnel ».

L’œuvre en étonnera plus d’un par ses déambulations poétiques hors de ce qu’on appelle les frontières du jazz et qu’on pose comme telles (ici si loin, si proche) ; pourtant, la démarche conforte l’auditeur dans la certitude qu’il a affaire ici à un artiste complet - compositeur/improvisateur/interprète - à l’originalité nourrie de références muliples : musicale (Bach, L’Intemporel) ; poétique (Rimbaud, Sensation) ; cinématographique (l’admiration qu’il voue au cinéaste Tarkovski, Un jour si blanc, à travers un poème de son père Arseni).

Ici plus que jamais en lieu et place de classifications, un immense brassage d’images colorées, chaque teinte étant évoquée par de larges mouvements pianistiques introspectifs avec une intensité, un raffinement, un respect que Couturier parvient à communiquer en toute simplicité/humilité — deux qualités devenues bien rares dans la violence de notre monde. Paysages et sensations de toutes natures se reflètent ici dans chaque interprétation, dont on devine constamment le caractère spontané et réfléchi à la fois, abstrait en concret, contrôlé mais aléatoire. Quant à la sincérité de l’artiste, on la ressent au plus profond de soi.

Précision : ce disque constitue la deuxième partie d’une longue suite en forme de triptyque autour de l’œuvre de Tarkovsky, entre Nostalghia, déjà paru, et le prochain disque du pianiste, enregistré récemment.

Souhaitons que ces considérations donnent envie au mélomane de goûter ces purs moments de bonheur et d’émotions peu communes ; François Couturier, pianiste de et au-delà du jazz, sait les faire partager avec une modestie aujourd’hui (trop) rare.