Scènes

Lyon : Le Péristyle fait relâche… jusqu’en juin

Exit le « Café Jazz Le Péristyle » de l’Opéra de Lyon. Tout s’est arrêté après un dernier tour d’honneur des finalistes du tremplin « Suivez le Jazz » 2006.


Imaginez un lieu plus que central à Lyon. Entre l’Hôtel de Ville et l’Opéra tout de noir vêtu, façon deuil fashion perpétuel. C’est là entre deux mondes, deux façons de se regarder et de s’abriter derrière des portes et des services de sécurité que le jazz élit domicile depuis cinq ans.

Au Péristyle, sorte de narthex païen, passé du jour au lendemain du statut de lieu de passage à celui de site à part entière d’une vie lyonnaise dépoussiérée. Le Péristyle ? Un havre de paix comme un sacré lieu de musique qui démarre petit bras par les cafés-croissants le matin pour finir par trois sets de jazz copieux « live » en fin d’après-midi. 11 juin-8 septembre. Pas mal, l’amplitude. En gros, occuper l’espace pendant que le Hot Club de Lyon, installé tout près, fait relâche.

Une fois encore, sous la jolie toile italianisante qui recouvre l’espace, tout aura marché comme sur des roulettes. Au final, une trentaine de formations, régionales surtout, auront agrémenté les soirées du Péristyle. Tour à tour. A raison de trois sets par soirée (19 h – 20h15 - 22 h) trois jours de suite. Soit près de 300 concerts jazzy. A raison de 100 à 150 spectateurs par set, on atteint de fait les dimensions d’un vrai festival.

Comme les années passées, ces concerts du Péristyle auront permis d’apprécier la vitalité du jazz régional, quels que soient les styles pratiqués. En fin de semaine, c’est Ompa Bompa qui s’y est collé. Une formation familière qui n’en est pas à son premier Hot Club et qui cette fois, fort des quatre cuivres occupant l’avant–scène, s’est amusé à reprendre des standards – période « Jungle » du Duke et à les triturer à sa façon. Exercice exigeant. Les quelques solos pris par les quatre cuivres l’ont amplement démontré, qu’il s’agisse de Vincent Perrier (sax + clarinette), Ludovic Murat (sax), Julien Bertrand (trompette et bugle), Frank Boyron (tb), Emmanuel Deplaude (claviers), Christophe Garaboux (basse) ou Olivier Genin (dr). L’octet n’en est pas à son coup d’essai. Mais on perçoit à travers le set l’immensité du travail du Duke et les difficultés à venir à bout de ces thèmes familiers et à les retranscrire.

Auparavant, les formations venues occuper le Péristyle s’étaient ingéniées à montrer la diversité du jazz qui pousse en région. Le choix aura été plus que large : Swinggones pour démarrer, puis Gare aux Fourmis, Jean-Luc Peilhon quartet, Bebey Prince Bissango, Trismus, Fayca Salhi Quintet et autres Matanga. Enfin, enfin, la divine bonne surprise est venue d’Intervalle : des compères qui avaient joué ensemble il y a dix ans du côté de la Normandie, se sont retrouvés par hasard en Rhône-Alpes et oont agrégé un nouveau batteur, très mélodique. Dans la formation, François Cordas, Emmanuel Scarpa et surtout, derrière ses grosses lunettes, Michel Samoïlikoff. On démarre par des révérences à des standards de haute volée (Lee Konitz etc…), et on poursuit par des choses plus personnelles. Tout semble se construire sous les yeux du spectateur : charme, finesse, décalages, d’incessantes interactions entre les instruments et le plaisir de découvrir comment l’autre prolonge ce qui vient d’être dit. L’économie d’effets du pianiste, qui pose chaque note avec délicatesse, parfait l’ensemble.

COLTRANE APRES LES NOCES

Au passage, l’Opéra de Lyon, lieu de musique classique et de traditions s’il en est, fait la preuve que quand tout ferme ou fait relâche, le jazz est toujours là. Certains s’étonnent qu’un tel Péristyle ait pu voir le jour. C’est oublier la volonté de la direction de l’Opéra de Lyon « de se débarrasser de l’image des maisons d’opéra » et de « se tourner vers les formes de musique plus modernes ». Bref, Coltrane après Les Noces.

Selon François Postaire, qui préside aux destinées jazz de la maison, une telle démarche n’a évidemment rien de rentable, même si l’Opéra a su développer bar et restauration pour encaisser quelques deniers. Mais il faut savoir qu’ici tous les musiciens sollicités sont rémunérés au même tarif (185 € bruts par jour) et que certaines formations se composent de dix à quinze personnes. Bref, « c’est une opération à plus de 100 000 € » estime l’Opéra et il est hors de question, malgré la restauration et le bar, d’espérer rentrer dans ses frais. « Pour rentabiliser, il faudrait des salles beaucoup plus grandes » explique François Postaire. Malheureusement, tout l’intérêt du Péristyle est justement de permettre aux spectateurs de se retrouver comme dans un douillet club de jazz, avec les instruments à portée de verre. Côté musiciens, le Péristyle est une aubaine. « Je reçois de plus en plus de dossiers en provenance de toute la France« , explique François Postaire, »ce qui prouve que le phénomène fait tache d’huile ».

par Jean-Claude Pennec // Publié le 1er septembre 2007
P.-S. :


Concerts tous les jours sauf Dimanche. Entrée libre.
Consommations payantes. Sets à 19 h-20h15 et 22 h. Opéra de Lyon.