Chronique

Macha Gharibian

Mars

Macha Gharibian (p, voc), David Potaux-Razel (g), Théo Girard (b), Fabrice Moreau (dms)

Label / Distribution : Bee Jazz

Il y a des plaisirs auxquels on ne saurait renoncer. Celui de découvrir l’univers personnel d’une artiste talentueuse à travers son premier disque, par exemple. Surtout lorsqu’il livre la fraîcheur et le charme d’une musique qui, trempée au fil du temps dans des influences diverses, s’autorise une large ouverture stylistique tout en restant centrée sur un propos limpide et concis.

Macha Gharibian s’est nourrie, à travers ses expériences musicales et personnelles, d’esthétiques qui, acquises sur les chemins de la vie et assimilées au fil des rencontres, trouvent naturellement leur place dans la musique qu’elle propose aujourd’hui. Il y a bien sûr l’héritage folklorique arménien qu’elle partage avec son père, le guitariste, bouzoukiste et chanteur Dan Gharibian, mais aussi l’écriture contemporaine et l’improvisation dont elle a pu percer quelques secrets en travaillant avec Ralph Alessi (auquel elle dédie le très beau « Affect Stories ») au sein de la School For Improvisational Music tenue par le trompettiste. Entre ses racines et les rencontres multipliées à New York, sa volonté de jouer une musique mouvante et son amour pour la folk, entre son jeu de piano aux accents moyen-orientaux et sa voix qui ne se départit jamais d’une élégante retenue, elle a su trouver un équilibre que ses musiciens mettent en lumière.

Enrichies de lignes élégantes par la contrebasse de Théo Girard, de nuages électrifiés par l’étonnant David Potaux-Razel et de percussions subtiles par Fabrice Moreau, les compositions oscillent entre audace et pudeur. On s’abandonne volontiers au songe à l’écoute de ces chansons ou instrumentaux - autant de petites histoires aux ambiances contrastées mais au son homogène, portées par une inspiration constante qui donne aux structures simples des allures de pièces délicatement sculptées. Au piano, Macha Gharibian affiche une aisance dont elle n’use qu’à des fins mélodiques, comme en atteste les beaux thèmes de « Byzance » et de « La douceur », ornés de soli courts et peu démonstratifs. Cette sobriété se retrouve dans sa manière de chanter des poèmes signés William Parker ou William Blake ou - sobrement, mais avec beaucoup de sensibilité - des chansons arméniennes, dont « Kele kele », un des moments les plus touchants de ce disque chaleureusement recommandé.