Louis Hayes
Serenade For Horace
Abraham Burton (ts), Josh Evans (tp), Steve Nelson (vib), David Bryant (p), Dezron Douglas (b), Louis Hayes (dms)
Label / Distribution : Blue Note
Il y a soixante-deux ans, Louis Hayes faisait ses premières armes de bopper aux côtés d’Horace Silver, avec qui il jouera durant plusieurs années, marquant de son empreinte la batterie jazz, puisque tout était en devenir à ce moment-là. Il contribuera durant cette période à définir les canons du style, toujours à l’ordre du jour.
Qu’il décide de rendre hommage au pianiste, son ami, pour son premier album en tant que leader chez Blue Note est presque trop évident. C’est pour le même label qu’il enregistrait au sein du quintet de Silver le disque 6 Pieces of Silver, dont le hit « Señor Blues » est repris ici. Le batteur a bien évidemment toute légitimité pour mener un tel projet. Mais il y a là un revivalisme qui, s’il débouche fort heureusement sur de beaux moments notamment dans l’interaction, met sur la touche la fraîcheur et l’espièglerie qui caractérisaient cette musique il y a six décennies.
Le disque en lui même est irréprochable. Louis Hayes joue magnifiquement, il s’est entouré de musiciens sérieux dont on perçoit l’amour pour cette musique que, nous aussi, nous aimons profondément. S’il est donc de fait parfaitement recommandable, on ne peut s’empêcher de ressentir une vraie frustration en écoutant ces versions et en les comparant aux originales. Très peu de changements, dans le fond comme dans la forme. Le seul morceau ayant ici fait l’objet d’une refonte est la version chantée du classique « Song for my Father » où Gregory Porter chante en lieu et place des instruments à vent. Le thème, délicieusement accrocheur dans le souffle de Joe Henderson et Carmell Jones sur l’enregistrement de 1964, est rendu plus précieux par les modulations de la voix du chanteur, et même si cette proposition est loin d’être dénuée de charme, on perçoit la difficulté de donner une autre vie à ce morceau historique. Le résultat est aimable là où la version de référence est, encore aujourd’hui, irrésistible.
Ailleurs, c’est un bop d’excellente facture qui est proposé. Mais la firme Blue Note a décidément perdu de sa superbe, et Serenade for Horace souffre des mêmes défauts que beaucoup de productions récentes du label. Une réalisation trop léchée qui gomme les aspérités par exemple, ou un calibrage des formats qui est probablement à l’origine du shunt de la fin de « Hastings Street », la seule composition originale de ce disque sur laquelle, poussés par l’excellente rythmique (Dezron Douglas, Steve Nelson, David Bryant et le roi Louis), Abraham Burton et Josh Evans s’autorisent quelques extravagances.
Cet album hommage, aboutissement d’une démarche à l’évidence sincère, souffre, à l’image de nombre de remakes au cinéma, de n’être qu’une version modernisée d’un modèle qui n’avait pas besoin de coup de jeune, car il est intemporel.