Chronique

François Chesnel & Thierry Lhiver

Japanese Song

Thierry Lhiver (tb), François Chesnel (p) + Yoann Loustalot (tp sur Azalea)

Label / Distribution : Bruit Chic

Belle réussite que ce duo, qui capitalise sur les nombreuses qualités de chacun : Thierry Lhiver, tromboniste mélodique préférant à la puissance une gamme de nuances héritée de sa connaissance de la musique de chambre, et François Chesnel, pianiste prolixe dont les orchestrations mêlent la syncope et les accidents du jazz à la délicatesse d’un romantisme classique qu’il ne cherche pas à estomper.

L’album est construit selon une alternance de compositions de l’un et de l’autre, d’interprétations de thèmes signés Thelonious Monk, Duke Ellington, Charlie Haden ou Dave Holland, et de courts interludes improvisés.

Les clins d’œil aux aînés, très beaux, montrent à quel point les deux musiciens savent se réapproprier les standards. Ils donnent ainsi de « First Song » une version pure, dénuée de tout artifice, priorité étant laissée à la mélodie et au lyrisme jusque dans ses développements. « Azalea » joue la carte de l’interprétation minimaliste en lieu et place de la gouaille et de l’excentricité d’Armstrong. Yoann Loustalot se joint au duo pour l’occasion. La mélodie s’en trouve patinée, recentrée, d’une simplicité complémentaire aux versions brillantes qu’en a données Ellington. « Not For Nothing » est reconstruit sur un mode de jeu percussif (avec un piano aux cordes « contrariées », entre étouffements et résonances métalliques), tandis que sur « Eronel », le pianiste emprunte - bel hommage - au vocabulaire de Monk sans le singer.

Mais si ces réinterprétations très personnelles sont recommandées sans réserve, c’est avant tout à travers leurs propres compositions que le tromboniste et le pianiste se livrent. Tous leurs modes de jeu y sont présents, le piano offrant au trombone une aire de jeu mouvante, à la fois pleine de surprises et étrangement confortable. Chesnel déroule d’élégants tapis harmoniques où il dispose çà et là des obstacles rythmiques, encourageant ainsi le trombone à cheminer de manière sereine mais attentive. La qualité de l’écriture révèle un haut degré d’exigence formelle, et l’écoute de « Japanese Song » ou « For T. » justifie à elle seule de consacrer à ce beau disque tout le temps qu’il mérite.