Chronique

Matteo Paggi

Words

Matteo Paggi (tb), Iara Perillo (fl), Irene Piazza (vln), Anja Gottberg (b), Anton Sconosciuto (dm), Mona Creisson (vln, FX).

Label / Distribution : Aut Records

Enrico Rava a de nouveau fait une bonne pioche. On sait combien le trompettiste italien aime inclure le trombone dans ses diverses formations, de Roswell Rudd à Gianluca Petrella en passant par le vétéran Dino Piana, l’instrument à coulisse se retrouve souvent destiné à une place de premier choix. Dans son dernier groupe intitulé The Fearless Five, le trompettiste a intégré le jeune tromboniste Matteo Paggi qui surprend d’emblée par sa maturité musicale.

Originaire de Fiuminata dans la région des Marches, Matteo Paggi a tout d’abord reçu une formation classique avant de poursuivre ses études musicales à Amsterdam et à la très sélective université de Stanford en Californie. Les apparitions sur scène avec des musicien·ne·s de renom ne manquent pas : Diane Reeves, Dan Weiss ou Joe Lovano pour n’en citer qu’une poignée. Autant dire que son premier album publié par le label berlinois AUT Records était attendu au tournant.

L’unité de cette formation musicale fait de Words une singularité. L’écoute mutuelle des instrumentistes et l’équilibre entre improvisations et compositions y sont remarquables. Matteo Paggi développe un concept basé sur les trois sphères qui composent l’être humain : l’intellect, la corporalité et la spiritualité. Sa musique évolue entre parfums orientalistes et ambiance feutrée, ce qui permet au trombone de s’épancher amplement comme dans « Speaking Of Fossaverde ». L’esthétique de cet album doit beaucoup à l’alliage réussi entre la flûtiste Iara Perillo et la violoniste Irene Piazza : leurs interventions mêlées dans « La gente in discoteca nel futuro » et « Fossaverde » soulignent l’écriture originale de Words. Mona Creisson fait une apparition sur « Morire con la sabbia fra le dita » qui déclenche un dynamisme convaincant. La fluidité développée par les entrelacs d’Anja Gottberg à la contrebasse et d’Anton Sconosciuto à la batterie met l’accent sur leur soutien rythmique épuré, comme on l’entend dans « Dreaming Of Fossaverde ».

La relation entre les envolées lyriques de Matteo Paggi et les réponses lancinantes de ses partenaires atteint son sommet dans « Mountain » qui s’étire sur un quart d’heure. Mention spéciale à Ido Zilberman et Alessandro Mazzieri, chargés de l’enregistrement et du mixage, qui ont contribué à la réussite de Words par une captation sonore exemplaire.

par Mario Borroni // Publié le 31 mars 2024
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