Chronique

Matthieu Donarier

Optictopic

Matthieu Donarier (ss, ts, cl), Manu Codjia (g), Joe Quitzke (dm)

Label / Distribution : Yolk Records

La pochette annonce la couleur : les trois chenapans mal rasés, au regard sombre, sont prêts à en découdre ! Depuis le temps que Matthieu, Manu et Joe sévissent ensemble, nous les attendions au tournant. Mais voilà, c’est eux qui nous ont surpris ! Et quelle surprise !

La musique d’Optictopic peut s’aborder sous de multiples angles. Elle est si expressive qu’on peut l’écouter comme un conte qui décrirait une journée avec, entre autres, le réveil tardif, « Choses rêvées (le jour) », et plutôt difficile, « La chute », les loisirs aux « Saveurs eXquises », la sempiternelle « Jamais contente », l’inévitable « Mail Planet », les mystères des choses « …aperçues (la nuit) ».

Si on aime jouer, on est servi : c’ est une constante dans Optictopic. D’abord dans les thèmes, souvent pleins d’humour, à l’image d’« Optictopic » avec ses sauts et ses dissonances, ou d’« Histoire d’un jour » qui évoque de loin La Panthère rose, ou encore du violent « Jamais contente ». Le jeu est également omniprésent dans les développements : le saxophone et la guitare se renvoient leurs notes dans « Saveur eXquise », par exemple, tandis que la batterie compte les points ; « Mail Planet » voit la mélodie du saxophone s’entortiller autour de la ligne de basse jouée par la guitare ; enfin, dans « Jamais contente », le contraste entre la furie de la guitare et les minauderies de la clarinette sont irrésistibles.

D’un point de vue plus musical, la grande cohérence d’Optictopic pourrait l’apparenter à une suite instrumentale de musique contemporaine, dont les mouvements ont des noms à la française. Si « Choses rêvées (le jour) » en est évidemment le prélude, « La chute » est un andante relevé et « Los que faltan » un largo majestueux, tandis qu’« Optictopic » tourne à la fugue, et ainsi de suite…

Développements complexes avec entrecroisement des voix, canons, sauts d’intervalles, contrastes mélodiques, ruptures rythmiques… Toute la palette y passe. Et quels musiciens ! Manu Codjia est tantôt un orgue (« Choses rêvées… (le jour) »), tantôt une basse (« Mail Planet »), mais aussi mélodique (« Saveur eXquise »), déchiré (« Jamais contente »), rock réverbéré (« Histoire d’un jour »)… Joe Quitzke fait monter la tension (« La chute »), reste plutôt intimiste (« Optictopic »), se mêle à la mélodie (« Mail Planet ») et compose des thèmes tragiques (« Los que faltan »). Quant à Matthieu Donarier, son discours est varié ; tour à tour sinueux (« La chute »), heurté (« Saveur eXquise »), dissonant (« A la source »), solennel (« Los que faltan »), doux (« Jamais contente »)… il a une telle présence que l’instrument passe au second plan.

Si le titre de l’album, Optictopic est le fruit du hasard (une faute de frappe), il n’en va pas de même pour la musique, remarquable de cohérence et de créativité. Les trois artistes savent clairement où vont leurs anches, cordes et peaux…