Chronique

Mélanie de Biasio

Lilies

Mélanie de Biasio (voc), Pascal Paulus (p, kb, d, voc…) + Mascal Mohy (p), Dre Pallemaerts (d).

Label / Distribution : PIAS

Mieux vaut tard que jamais.
Lilies, le dernier enregistrement de la chanteuse (et flûtiste) belge, Mélanie de Biasio, remporte tous les suffrages. Même iTunes la met en avant dans les meilleures ventes.

Une consécration pour une chanteuse de jazz exigeante. Il y a 10 ans, lorsque son premier CD, A Stomach Is Burning, est sorti, tous les ingrédients de l’excellence étaient déjà réunis (voix hypnotique, mélodies entêtantes, rythmiques de volcanologue…). Lorsqu’on put la voir, enfin, au Sunset, elle commença par étaler une peau de bête (véridique) pour chanter dessus les pieds nus (« pour sentir les ondes »).
Mélanie de Biasio est ainsi : instinctive, sensuelle, primesautière. Entre Stomach… et Lilies, des disques tout aussi étonnants que le premier, mais parfois moins aboutis (comme No Deal en 2013), ou plus expérimentaux, comme Blackened Cities, l’étonnante pièce de près de 30 minutes parue l’an passé (on retrouve ici cette inspiration expérimentale dans dans le « cardiopathique » « And My Heart Goes On ». Lilies est un enregistrement dépouillé : très peu de musiciens, très peu de moyens (enregistré à la maison avec des moyens techniques limités), très peu de notes aussi. Et pourtant, Mélanie de Biasio parvient à nous donner le tournis.

Que ce soit sur le titre « single » (« Your Freedom Is The End Of Me »), ou sur des compositions plus que lentes (« Lilies », « Brother »), voire envoûtantes et paisiblement telluriques, comme le sol qui s’ouvrirait lentement sous nos pieds (« Let Me Love You », « Afro Blue », « All My Words »). 10 ans se sont écoulés entre Stomach et Lilies, tous deux indispensables. C’est le cheminement de l’œuvre au noir.
Mélanie de Biasio cherche dans l’« outre-noir » la manière de dire davantage, comme d’autres cherchent la lumière. C’est la Soulages du jazz ! Elle n’a rien changé de ses inspirations (univers sombre, arrangements minimalistes, groove inexorable), elle va « juste » plus loin. Sa voix d’alto, d’ailleurs, est plus grave. Elle dit que pour cet album, elle a pensé « à l’intérieur d’une bouche, à une forêt tropicale ».
Une vision des tropiques peut-être, mais la nuit.