Scènes

Ouverture du Festival Jazzycolors 2012 : Bojan Z/Julien Lourau

Jazzycolors… ou le plaisir de découvrir le meilleur du jazz européen et canadien en festival dans les centres culturels parisiens en novembre.


Ouverture du Festival Jazzycolors 2012 au Goethe Institut à Paris le 6 novembre 2012 avec le projet « Since 1990 » du duo Bojan Z/Julien Lourau.

Comme il le fait depuis cinq ans, Bojan Z, « parrain » de Jazzycolors, déclare ce soir l’ouverture de la 10e édition du festival parisien consacré au jazz européen. A l’initiative de dix-sept centres culturels étrangers, Jazzycolors propose dix-neuf concerts dans huit d’entre eux pendant tout le mois de novembre (voir le détail de la programmation].

Citizen Jazz, partenaire de cet événement original, vous engage à découvrir les artistes qui y sont mis en avant, émergents ou déjà connus dans leur pays. Vous y ferez nécessairement de belles découvertes mais avant tout, vous élargirez votre champ des musiques possibles et vous vous laisserez surprendre par des registres inhabituels. Les prix tournent autour de 7 à 10 euros, et les spectacle ont lieu dans des salles et des auditoriums à taille humaine, l’idéal pour apprécier la proximité avec les musiciens.

Pour cette soirée d’ouverture, le pianiste d’origine serbe Bojan Z (autrement dit Zulfikarpasic) invitait Julien Lourau. En dignes témoins de l’esprit du festival, ils ont donné un superbe exemple de fusion musicale européenne. Ces deux musiciens « capillairement » opposés… se trouvent, de toute évidence, en pleine symbiose musicale.

Bojan Z et Julien Lourau © Emmanuelle Vial

« Since 1990… » Beau résumé de cet excellent concert colorié en duo. Les deux musiciens se retrouvent régulièrement « autour d’un verre, d’une table » pour discuter de la musique qui les fait vibrer et surtout de « celle qu’ils NE voudraient pas faire ensemble… » : leur façon d’alimenter cette « identité singulière à deux », cette expression très personnelle qu’ils développent en partageant des projets choisis au rythme de 4 à 6 fois par an, sur scène ou sur disque, à l’initiative de l’un ou de l’autre… et, donc, depuis 1990. Une aventure musicale et une amitié au long cours.

Julien Lourau s’exprime tantôt au soprano, tantôt à l’alto. On cherche toujours à savoir si tel saxophoniste « est meilleur au soprano ou à l’alto » ; ici on hésite, on croit se décider et puis finalement non ! Lourau donne toujours le meilleur de lui-même, quelque soit l’instrument. Souvent, il profite même du piano pour mettre en résonance ses sons avec les cordes.

Son jeu et celui du pianiste se combinent et se mêlent allègrement ; on ressent une connivence naturelle, sans compétition aucune. Deux musiciens très à l’aise dans leurs rapports et leurs échanges, une musique exigeante, mais jouée avec évidence et souplesse.

Pour le bel auditorium du Goethe Institut (près de 200 places), Bojan Z a délaissé son Xénophone (Rhodes bidouillé) et ses machines au profit du seul piano acoustique. De même, Lourau n’emploie comme adjuvant que le simple mouvement de son corps, qu’il répercute sur le pavillon de son sax en produisant une sorte d’effet « döppler » vibrionnant.

Bojan Z et Julien Lourau © Emmanuelle Vial

Au programme, des compositions de l’un et de l’autre. De mémoire : « Relaxing » (Lourau, Fire), « Zeven » (Bojan Z, Xenophonia), puis « Diaspora » (Lourau et le Saïgon Quartet) qui sonne comme un standard, « Tu mi turbi » (Lourau, The Rise), Phasing (Bojan Z) et « Hulio’s Blues » (Lourau, toujours The Rise).

Ce duo sans rythmique traditionnelle recrée par moments la sienne propre en « percussionnant » le piano et son cadre ou en engageant le soprano dans le micro tout en pianotant sur ses touches. Les couleurs empruntent au blues, au jazz, mais surtout aux modes balkaniques et plus généralement des pays de l’Est ; Julien Lourau s’y fond avec beaucoup d’aisance, à la rencontre du style et de l’univers de Bojan Z. Celui-ci démontre toujours la même ouverture de jeu impressionnante, tout en énergie rythmique et en puissance d’évocation, avec parfois même des stride à l’ancienne ou des réminiscences classiques, via de beaux accords façon début XXe. Au-delà de ses qualités de soliste, il se présente invariablement comme un accompagnateur sensible sachant mettre en valeur ses partenaires.

Ouverture particulièrement réussie pour ce festival riche et innovant qui, depuis dix ans, emmène vos oreilles européennes en voyage au-delà de l’Hexagone sans vous faire sortir de Paris…