Improvisation et grooves métalliques
Le trio M&T@L au Périscope de Lyon.
M&T@L © Raphaël Benoit
Le dernier album en date du trio M&T@L, intitulé IK, rend hommage à la musique du groupe Metallica d’une façon inattendue et très réussie. L’envie de découvrir ce répertoire sur scène était forcément très grande. L’occasion s’est présentée le 17 mai dernier, au Périscope de Lyon pour un concert sous forme de triptyque : des morceaux issus du premier album, d’autres pour présenter un nouveau disque à venir, et une large partie de de la soirée consacrée au « Four Horsemen » de San Francisco. Le tout devant un public pour le moins hétéroclite.
Voilà plusieurs années que le bassiste Laurent David invite ses amis Maxime Zampieri et Thomas Puybasset à poursuivre une exploration musicale articulée dans un style qui brouille les pistes au moins autant que le nom donné au projet : M&T@L. Façon originale d’écrire « Metal » ? Oui et non, c’est d’abord Maxime & Thomas chez Laurent. Subtil, et pile dans la lignée de la démarche entreprise par le bassiste, qui souhaite restituer, dans une forme singulière et pour un public qui n’y est pas forcément habitué, les sensations qu’il a éprouvées lorsque plus jeune il découvrait les groupes de thrash metal.
Si la pop est un domaine maintes fois exploré par les musiciens de jazz, c’est beaucoup moins le cas pour le metal, mais pas tout à fait inédit non plus. Le crooner Richard Cheese en a même fait sa marque de fabrique, en s’attaquant à des classiques de Nirvana, AC/DC, Guns n’ Roses, Rage Against the Machine, et surtout en commettant une version surréaliste de « War Ensemble » de Slayer. Mais là où Richard Cheese verse dans la parodie en jouant sur le contraste entre les genres, M&T@L, et notamment avec IK, s’appuie sur un matériau connu pour en extraire un nouvel objet sonore, dans un registre neuf et pas moins décapant. Pour plus de détails, on ne saurait trop conseiller de lire ou relire l’excellente chronique de Denis Desassis.
Le concert débute par un « Creeping Death » tout en douceur, progressif et presque méconnaissable, une seule grille du morceau servant de point de départ vers un tout autre univers. Le ton est donné, et le public captivé. Suivront « Master Of Puppets », « Jump In the Fire », « Seek And Destroy » et « The Day That Never Comes », entrecoupés de compositions du trio sans que la narration du spectacle en soit décousue. Dommage, au passage, que seuls les morceaux de Metallica soient nommés et présentés au public.
Le jeu de basse de Laurent David n’est pas sans évoquer celui de Cliff Burton, qui n’aurait sans doute pas renié l’authenticité de la démarche. Maxime Zampieri participe grandement à l’absence de repères derrière une batterie hybride et improbable, associant double pédale sur grosse caisse de 16 pouces et jeu aux maillets. Dans ce trio, sa frappe est plus puissante que d’habitude et rappelle celle de Karim Ziad, autre batteur éclectique (les deux ont en commun d’avoir accompagné Julien Lourau). Un jeu d’une grande richesse, à la fois chantant et tribal, comme le démontre le magnifique solo qu’il jouera sur le titre de rappel. Ce duo basse/batterie n’est pas sans rappeler Sabot, cet autre duo basé en République Tchèque. Il y a là comme un petit air de famille. Thomas Puybasset, devant un impressionnant jeu de pédales d’effets, insuffle résolument la touche jazz au trio, dans des envolées inspirées et lumineuses qui donnent la chair de poule. On le croit volontiers quand il déclare se sentir lui-même et libre comme jamais dans ce style.
Véritable créature à trois têtes, M&T@L se joue des codes, défait, assemble, triture les idées, se nourrit d’influences opposées pour finalement n’en privilégier aucune en particulier et assume cette façon singulière de penser la musique. Un rendez-vous marquant avec un groupe étonnant, et une bonne surprise confirmée sur scène.