Julien Lourau

Tel le caméléon, Julien Lourau revient sur le devant de la scène en arborant de nouvelles couleurs. On connaît – et on aime ! – sa capacité au changement et à faire bouger les lignes de sa musique dans un registre à large spectre qui couvrirait un espace ouvert allant du hard bop à l’électro, en toute liberté. Et le voici qui s’empare d’une esthétique nourrie de groove, de soul et de funk, née à la fin des années 60, pourvoyeuse d’un son qui s’épanouira durant la décennie suivante, à l’instigation de Creed Taylor, fondateur du label Impulse ! [1] avant de créer CTI. Une maison dont l’ingénieur du son n’était autre qu’un certain Rudy Van Gelder, qui en réalisera quasiment tous les enregistrements.

Impulse !, Blue Note… la seule évocation de ces labels est la source de 1000 histoires, témoignages d’une époque lointaine aux figures désormais légendaires. CTI est moins connu, un peu tapi dans l’ombre de ces grandes maisons. À tort pour le saxophoniste, pour qui cette aventure remonte à l’adolescence et à l’album Salt Song de Stanley Turrentine, un cadeau de sa mère.

Freddie Hubbard, Idris Muhammad, Bob James, Milt Jakson ou Don Sebesky. Ce sont là quelques noms que Julien Lourau a choisi d’épingler à son palmarès en sélectionnant une dizaine de titres, avec la complicité de Mathieu Desbordes qui a relevé tous les morceaux. Mais chez eux, pas de cuivres ni de violons ; en guise de substitut, des claviers multicolores – synthétiseurs analogiques et autre Prophet 5 en avant – tenus par Arnaud Roulin (déjà artificier dans le Supersonic de Thomas de Pourquery) et Léo Jassef. Côté rythmique, la paire Sylvain Daniel à la basse et Jim Hart à la batterie peut déployer ses nombreux motifs polyrythmiques. Une belle équipe soudée à l’amitié, au sein de laquelle Julien Lourau évolue comme un poisson dans l’eau. Power Of Soul, The Music Of CTI, est bien plus qu’un disque hommage qui se voudrait réparation d’une injustice, il est avant tout la marque d’un désir profond de faire revivre une musique arc-en-ciel qui, à défaut d’être la sienne, est celle que le saxophoniste « aurait rêvé d’écrire ». On notera pour l’anecdote la présence, sur un titre, du vieil ami Bojan Z, qui délaisse son piano pour une guitare. Une complicité supplémentaire pour mener à bien un voyage hautement recommandé. Plaisir garanti !