Scènes

Pas de retraite pour Brian Auger

L’Oblivion Express, c’est Brian Auger & family on the road. Et c’est toujours un régal : énergie, funk, groove et train d’enfer, avec, en prime, l’humour typiquement britannique du grand Brian. En tournée européenne, ils sont passés par Nice et partaient samedi soir pour l’Allemagne.


L’Oblivion Express, c’est Brian Auger & family on the road. Et c’est toujours un régal : énergie, funk, groove et train d’enfer, avec, en prime, l’humour typiquement britannique du grand Brian. En tournée européenne, ils sont passés par Nice et partaient samedi soir pour l’Allemagne. À Paris le mercredi 3 novembre, puis à Rennes le lendemain.

Sur scène, cet animateur-né avoue situer confusément ses débuts artistiques à l’époque de l’occupation de l’Angleterre par Jules César. Son premier disque, assure-t-il, était fabriqué en terre cuite !

Reconnu par Jimmy Smith ou Herbie Hancock comme l’un des grands spécialistes de l’orgue Hammond, Brian Auger est aussi considéré comme l’un des inspirateurs de l’Acid Jazz. Et on reste pantois devant sa collection de rencontres musicales. Un exemple : savez-vous qui accompagnait Jimi Hendrix, à l’Olympia, en 1966 ? Brian Auger !

« Young Beethoven », Hommage à Wlliam Claxton. Brian Auger (backstage) Cedac Cimiez, 22 octobre 2010. © RipoDesign

À 71 ans, il n’est pas encore question de retraite pour le vieux lion, toujours dans une forme olympique. C’est assurément la passion qui le conserve : Brian Auger est toujours amoureux de son Hammond C3, inégalable, selon lui, et – tout comme son maître – étonnant de longévité. Conçu dans les années 20, fabriqué en 1956, et refait à neuf : « – Les soudures sont à l’argent, bien meilleures qu’à l’origine ». Si l’on en croit le maestro, il s’agit de la version « churchy » du fameux B3, techniquement identique en tous points à son grand frère à l’exception de l’habillage d’origine, qui était constitué de « modesty panels ». Ces derniers préservaient la réputation des organistes d’église qui, aux USA, étaient souvent du sexe (dit) faible. La palissade qu’ils formaient protégeait efficacement des regards indiscrets la partie du corps située entre la ceinture et les talons : il ne faut pas tenter le diable, même – et surtout – dans une église…

Il s’agit de la version « churchy » du fameux B3. La seule différence concerne l’habillage d’origine, qui était constitué de « modesty panels ».

Ces « panneaux-la-pudeur » ont dû finir en feu de joie chez les Auger car l’instrument de Brian brille aujourd’hui de mille paillettes, et c’est maintenant le sympathique logo de l’Oblivion Express qui orne une façade allégée, plus adaptée aux transports fréquents qu’imposent les tournées.

L’homme est entier : il collectionne les chemises bigarrées et semble nettement apprécier l’univers graphique des Manga. Mais les apparences sont trompeuses : Brian peut parler un français exquis et, après avoir évoqué, en coulisses (et au piano « classique »), Duke Ellington ou Thelonious Monk, il nous confie vouer un culte à certains compositeurs comme Debussy, Ravel, et leur éminent professeur : Gabriel Fauré. « C’est du jazz ! ». Lors du concert, il présentera d’ailleurs une Pavane de ce dernier, sur un tempo pas tout à fait d’origine. Et il repartira de Nice après avoir juré à Michel Delorme et à votre serviteur de se procurer le merveilleux Hymne au Soleil de Lili Boulanger dans la version contemporaine des frères Belmondo.

La famille, disions-nous : pas de modesty panels pour les jambes de la belle Savannah Auger, qui chante et danse divinement des jerks d’époque, très inspirés.
Karma Auger, son frère, est un batteur-frappeur à la fois carré et fin (il est aussi pianiste), efficace et attentif.
Ce trio est un bien bel exemple d’une dynastie engendrée par un papa aussi volontaire qu’autodidacte, à qui les parents n’avaient pas offert de cours, faute de moyens et peut-être aussi d’envie… « Quand je jouais, mon père fermait la porte de la chambre en levant les yeux au ciel. »
N’oublions pas la basse électrique, tenue, sur cette tournée, par l’excellent Nick Sample, fils du grand Joe Sample, pianiste et leader des Crusaders.
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Oblivion Express : ce groupe fusionnel génère un déluge musical incandescent et aligne sans répit des titres familiers parmi lesquels on reconnaîtra les fameux « Freedom Jazz Dance » d’Eddie Harris, « Light My Fire » des Doors, et aussi les tubes que Brian interprétait naguère (round about ’68) avec Julie Driscoll & the Trinity : « Save Me » et « This Wheel’s On Fire ». (Ils ont fini par inscrire à leur répertoire cette chanson de Bob Dylan il y a moins d’un mois, sous la pression du public qui ne cessait de la réclamer.) Selon Brian, en conditions « live », Savannah est meilleure que Julie. We do agree !

Deux rappels, une salle debout, mais un concert à ce rythme, c’est bien trop court : Come back soon, dear Brian…

Le Concert de Nice (22 octobre 2010) se déroulait dans la mythique Salle Grappelli du Cedac de Cimiez. Remerciements, pour leur accueil chaleureux à Pierre Demaria et Françoise Cortellini (Bureau de programmation de la Ville de Nice).

par RipoDesign // Publié le 29 octobre 2010

[1Lui, Karma, et le fils de… Larry Coryell forment par ailleurs un talentueux trio ! Familles, je vous « haime »…