Chronique

Pascal Schumacher Quartet

Silbergrau

Pascal Schumacher (vib), Christophe Devischer (b), Jens Düppe(dm), Jef Neve (p)

Label / Distribution : Igloo

Avec Silbergrau, Pascal Schumacher nous entraîne dans une douce torpeur.

Le vibraphoniste nous avait habitués, lors de ses deux précédents albums, à une musique assez vive, nerveuse et parfois un peu plus folle. Ce troisième opus résonne plutôt comme la voix de la sagesse et de la réflexion. Le groupe semble avoir pris du recul pour élaborer ces nouveaux thèmes. Le quartet joue moins sur l’immédiateté, malgré des plages d’improvisation collective brillantes et excitantes. Est-ce dû aussi à l’arrivée de Jens Düppe aux drums, après le départ de l’incisif Teun Verbreugen, qui donne cette impression de douceur et de rondeur dans le son ? Le batteur allemand possède en effet une frappe plus sourde qui s’accorde si bien (trop ?) au jeu de Schumacher que cela enlève de la dynamique.

La plupart des thèmes se développent sur la longueur et empruntent des chemins sinueux. Le groupe joue sur les climats et fait monter la tension par couches lentes et successives.
Aussi est-on heureux lorsqu’il se laisse aller sur « Piacabia’s Pain Ting », par exemple. Ce morceau est une sorte de poursuite musicale qui s’articule autour de changements de tempos fréquents et d’échanges vifs. Chaque musicien détermine son aire de liberté. Chacun joue avec les silences, les attentes et les tensions avant d’inviter le thème à venir tel un leitmotif obsédant remettre les idées en place.

On aime aussi les variations et parties de cache-cache entre pianiste et contrebassiste sur l’excellent « Sita’s Walk ». Christophe Devischer est d’ailleurs fantastique d’un bout à l’autre de l’album. Son jeu est ferme, volubile et il est toujours prêt à rebondir – quand ce n’est pas à précéder ou provoquer - et dialoguer avec les solistes. Jef Neve, quant à lui, semble un peu plus en retrait cette fois-ci. Mais quand il se met en avant, sur « Toast And Salty Butte r » ou sur « Silbergrau » entre autres, on retrouve toute sa verve, sa rapidité d’exécution et son toucher étincelant. Ses interventions sont de petits instants de fraîcheur qui ravivent les thèmes avec éclat.

Les compositions sont souvent basées sur des constructions rythmiques parfois complexes mais c’est justement ce qui fait tout leur intérêt. Schumacher aime nous perdre et tente régulièrement de nous faire lâcher prise. Il n’a pas son pareil pour insuffler des accélérations aussi fulgurantes qu’inattendues, avant d’instaurer à nouveau un climat quasi hypnotique. Il joue beaucoup sur la résonance des lames de son instrument qu’il laisse vibrer longuement, accentuant ainsi un étrange effet de bien-être illusoire.

Plusieurs écoutes s’imposent afin de découvrir toutes les subtilités harmoniques et rythmiques de cet album finalement très riche et d’une profondeur parfois cristallisante. Mais une fois qu’on succombe, on y retourne.