Chronique

Dave Chisholm

Chasin’ the Bird - Charlie Parker in California

Label / Distribution : Kamiti Légendes

En voilà, un beau roman graphique ! L’auteur, Dave Chisholm, déploie ici tout son art de dessinateur pour mettre en images des épisodes de la vie de Charlie Parker en Californie entre 1945 et 1947, trop souvent ignorés dans les biographies qui lui sont consacrées - mis à part le « Bird Lives » de Ross Russell, le boss des disques DIAL, ici représenté comme un démiurge plutôt bienveillant. Lui-même éminent trompettiste de jazz, l’auteur déploie une palette de talents graphiques et scénaristiques pour dévoiler des pans souvent ignorés de la légende parkérienne.
L’esthétique comics, avec des tons souvent saturés, un trait faussement facile et un découpage du récit en chapitres distincts, confère à cet ouvrage une portée qui va au-delà de la jazzosphère. L’éclatement des vignettes, la réitération de couleurs mauves et orangées, invitent à rentrer dans la psyché et la spiritualité de Bird. Un esprit de toxicomane, certes, mais surtout celui d’un génie créatif qui va à la rencontre d’autres formes d’art que le jazz pour nourrir son talent.
Présence fraternelle de Dizzy Gillespie, rencontre avec des plasticiens et poètes californiens, séjour à l’hôpital psychiatrique de Camarillo, concerts enflammés, séances en studio : tous ces évènements sont narrés avec une rare sensibilité. Étrange cependant que l’embauche de Chet Baker par Parker ne soit pas évoquée : peut-être une forme de pudeur de l’auteur face à un évènement fondateur de la légende du bebop - une fois de retour à New-York, le saxophoniste avait déclaré à Miles Davis qu’il y avait en Californie un « petit blanc » qui allait leur donner du fil à retordre !
En tout cas, cet ouvrage est un tour de force graphique qui donne à voir la musique du « Zoziau », comme l’appelait Boris Vian, d’une façon beaucoup plus abordable que tous les relevés présents dans l’Omnibook, ce recueil des thèmes et solos du saxophoniste iconique dont les meilleurs musiciens font encore leur miel.