Chronique

Rafael Toral

Space Quartet

Rafael Toral (elec, fx), Ricardo Webbens (synth), Hugo Antunes (b), João Pais Filipe (dms, perc)

Label / Distribution : Clean Feed

À la fin des années 90, Rafael Toral laisse tomber la guitare pour s’investir complètement dans l’électronique. Ce qui distingue le Portugais dans ce domaine est sa volonté de créer des « machines » qui permettent de retrouver la réalité physique de vrais instruments—sur scène, il se contorsionne comme un saxophoniste ou un guitariste. Avec ce nouvel enregistrement, il pousse le concept encore plus loin en présentant ses instruments dans un contexte plus proche du jazz : un quartette avec batterie et contrebasse.

Quatre longues improvisations dirigées par Toral et intitulées en fonction de la ville où elles ont été enregistrées, se déroulent devant nos oreilles ébahies. Sur « Lisboa », la rythmique joue un tempo régulier, João Pais Filipe poussant les solistes avec son jeu de cymbales. Toral et Ricardo Webbens échangent en produisant des hululements, croassements ou crachements. En milieu de chemin, ils passent complètement à l’abstraction avec Toral qui émet un son de cor anglais enrhumé.

« Porto » adopte un schéma inverse. Des borborygmes et sonorités évoquant le didgeridoo avec de petites cloches en arrière-plan donnent l’impression d’entrer dans un temple maudit. Puis surgit de nulle part Hugo Antunes avec une walking-bass bientôt rejointe par une batterie agitée. Sur ce fond, les deux solistes se livrent à d’incessants renvois qui soulignent l’agilité et le répondant de chacun.

L’humour n’est pas absent, comme en atteste « Lisboa II » qui débute par une marche pachydermique avant que Toral et Webbens ne se lancent dans des ébats désopilants. Finalement, une contrebasse bourdonnante et un rythme imposé par la batterie propulsent le groupe vers de nouveaux sommets. Au final, le renouvellement constant de la section rythmique est au cœur du succès d’un disque qui sera sans conteste un des plus fascinants de l’année.