Chronique

Reto Suhner Quartet

Live in Schaffhausen

Reto Suhner (ss, as, ts), Lester Menezes (p), Fabian Giesler (b), Dominik Burkhalter (dm)

Label / Distribution : Altrisuoni

Jeune saxophoniste originaire de Suisse alémanique et promis à l’excellence, Reto Suhner s’est déjà taillé une belle réputation de l’autre côté des Alpes. Il est encore peu visible chez nous, mais on espère que son quartet sera bientôt reconnu à sa juste valeur. Cet album public enregistré par la radio suisse DRS2 au festival de Schaffhausen en 2006 — le quatrième enregistrement de Reto Suhner pour le label Altrisuoni — est une belle démontration des qualités du quartet, tant vantées par la presse.

Les compositions sont toutes signées de Reto Suhner et de son pianiste, Lester Menezes. On pourrait presque dire que le groupe a deux leaders tant ils développent ensemble les thèmes et leurs ramifications harmoniques complexes. C’est le pianiste qui ouvre en solo le premier titre, « Schwäne im Weltall », par des accords amples et des arpèges impressionnistes. Le style ici fait la part belle aux glissements, aux lentes progressions harmoniques, à la patiente transformation de la musique : c’est à peine si on peut parler d’exposition du thème par le saxophone - quatre notes rauques répétées qui constituent le pic d’intensité du morceau. Ainsi fonctionne le quartet de Reto Suhner : en décrivant des cercles concentriques mi-écrits, mi-improvisés afin d’approcher le point nodal en intensifiant peu à peu le jeu collectif, en transformant un calme impressionniste en tempête expressive.

Ce goût du glissement progressif, le quartet l’affirme encore via des transitions naturelles entre les titres. Les quatre premiers s’enchaînent, tantôt à la faveur d’un solo de contrebasse, tantôt pendant quelques passes de batterie. Le dernier morceau — exceptionnel « Urs Has Plans », isolé des autres —, n’en ressort que plus nettement avec ses longues phrases de saxophone tissées dans les arpèges du piano qui, pour être discret, il n’est pas moins le pilier secret de la formation. Anecdote révélatrice mentionnée par le dossier de presse : à la fin de la pièce les spectateurs se retiennent d’applaudir pendant un bref moment. Puis, sortant de leur hébétude, ils acclament bruyamment les musiciens, dont le visage exprime une joie intense. Sur le disque, on n’entend que ces vivats enthousiastes, mais l’auditeur sourit de joie lui aussi en songeant que ces salves sont décidément méritées. Elles expriment tout le bien qu’il faut penser de ce disque. Un grand bravo, donc !