Scènes

Abdelhai Benanni, Didier Lasserre, Eve Risser, Joël Grip

Le 8 mai 2009 au Kibélé (Paris). Quatre improvisateurs de haut vol pour un concert intense en petit comité.


Un public restreint et la cave d’un restaurant turc : il n’en faut pas davantage à Abdelhai Benanni, Didier Lasserre, Eve Risser et Joël Grip pour donner libre cours à leurs talents d’improvisateurs.

Un concert à l’ancienne. Une cave de restaurant turc dans le Xème arrondissement, un public restreint (une vingtaine de personnes), pas de sonorisation et les musiciens à quelques mètres du public. Au piano préparé, Eve Risser, Joel Grip à la contrebasse, Didier Lasserre à la caisse claire et à la cymbale et Abdelhai Benanni au saxophone ténor.

Trois pièces improvisées. Chacun est constamment à la recherche de la surprise et de l’inattendu, qu’il arrache à une matière sonore foisonnante. Grip ouvre les festivités avec les sons polyphoniques qu’il tire de son instrument en maniant deux, puis trois archets sur les cordes. Parfois il troque un archet contre une baguette afin de varier ses effets. Lasserre utilise baguettes et balais, mais aussi un jeu de cordes plein de nœuds qu’il fait tomber sur la caisse claire ou dont il frotte la peau, ainsi qu’une multitude de petits objets indéfinissables qui tirent de sa cymbale des grincements ou des chocs. Au saxophone, Benanni économise son souffle, distribue ses notes avec parcimonie, les rend parfois inaudibles au point qu’on n’entend plus que le souffle. Risser, quant à elle, retourne son instrument après la première pièce, pour échapper à la réverbération de la cave : on peut donc observer à loisir sa manière de préparer son piano en temps réel. Elle y pose des gommes, étouffe des cordes avec du scotch ou des chiffons, les pince, y frotte des brosses… toutes opérations qui disloquent le son du piano tel qu’on l’écoute habituellement. C’est à elle que revient le fin mot du concert, lorsqu’elle intercale entre marteaux et cordes un plateau à thé : quelques bégaiements de piano plus tard le groupe libère un public captivé par l’intensité de ses gestes d’improvisation.

La formation remet le couvert le 24 mai à l’Atelier Tampon-Ramier [1] : une excellente occasion d’entendre une musique ivre de liberté.

par Mathias Kusnierz // Publié le 18 mai 2009

[1Atelier Tampon, galerie et cave ; 14, rue Jules Vallès - 75011 Paris, M° Charonne, 10 / 8 euros - tampon-ramier@wanadoo.fr