D’innombrables images imprègnent l’univers artistique de Simone Alessandrini qui a participé à l’élaboration de nombreuses musiques destinées au théâtre et au cinéma. L’Altro lato del letto de David Serrano et Roberto Santiago, Omaggio al giallo d’Emanuele Merlino, Che motivo c’è de Marcello Teodonio et Paola Minaccioni, Adelchi in jazz de Giovanni Antonucci et Francesco Branchetti ne sont que quelques-unes des collaborations fructueuses qui ont façonné le parcours de ce saxophoniste.
Dans la mythologie grecque, Circé est la fille d’Hélios. Elle vit dans l’île d’Ééa, entourée de loups et de lions, autrefois des hommes qu’elle a ensorcelés. Vingt-deux compagnons d’Ulysse sont accueillis par la magicienne qui leur offre un breuvage empoisonné. Dès qu’ils ont bu, ils sont transformés en porcs. Le dieu Hermès donne des instructions à Ulysse afin de triompher de Circé qui échoue à le transformer. Ulysse et Circé s’unissent, puis elle rend aux compagnons leur apparence humaine. Le livre dont s’est inspiré Simone Alessandrini, paru pour la première fois en 1549 à Florence, est de Giovan Battista Gelli, qui imagine Ulysse converser avec des Grecs transformés en animaux refusant de récupérer leurs traits humains. Chaque dialogue qui compose l’œuvre se construit autour d’un aspect de la condition humaine. Les instrumentistes de Storytellers dépoussièrent habilement l’œuvre de Gelli, le jazz contemporain en est le moteur et chaque musicien·ne représente un animal. La narration de Circé est assumée par Laura Giavon, Ulysse s’incarne par les saxophones de Simone Alessandrini.
« Preludio » distille l’aspect poétique incarné par Laura Giavon qui, dans « Circe », ouvre la voie aux percussions de Riccardo Gambatesa qui cheminent habilement. Chaque instrumentiste dévoile alors sa personnification animale, le vibraphone de Nazareno Caputo dans « Interludio I. Ostrica », la harpe de Marcela Carboni dans « La Lepre E Lo Specchio », des images insolites se succèdent. La disparité suggérée par « Xopeìa. Leone » et son orchestration massive affiche néanmoins une forme de disparité avec la désinvolture de « Canto Della Cerva » où plane l’esprit d’Ennio Morricone.
Les scénettes qui se succèdent dans cet album soulignent la supériorité éthique et intemporelle des animaux face à la cupidité des hommes. L’écriture musicale élaborée de Simone Alessandrini a permis de rehausser le scénario clairvoyant de Circe.