Chronique

Giorgi Mikadze Trio

Face to Face

Giorgi Mikadze (p), François Moutin (b), Raphaël Pannier (d).

Label / Distribution : PeeWee !

C’est incontestable, Face To Face s’impose comme une révélation dans l’abondante production de la formule piano, contrebasse et batterie. D’innombrables jeunes pianistes se lancent éperdument dans ce concept marqué à jamais par les sceaux classiques d’Oscar Peterson et modernistes de Bill Evans. Par la suite, Cecil Taylor a fait exploser l’harmonie et déposé le rythme sur l’autel du sacrifice ce qui a créé une impasse déconcertante pour beaucoup de pianistes. Depuis une cinquantaine d’années, l’engagement dans de nouvelles formes usuelles d’accords ainsi que des improvisations dupliquées sur des harmonies complexes font partie intégrante des trios émergeants. Rares sont ceux qui arrivent néanmoins à définir de nouvelles structures sonores sans s’éloigner des schémas mélodiques. C’est pourtant ce que vient de réussir Giorgi Mikadze.

Le style déployé par des ornementations en cascades dans « Satchidao » en dit long sur l’écriture de ce jeune pianiste géorgien et démontre que les arias folkloriques de son pays natal s’intègrent merveilleusement au sein des canevas jazzistiques. Son expérience avec l’Orchestre Symphonique de Tbilissi, ville dont il est originaire, et ses rencontres déterminantes avec Jack DeJohnette et Dave Liebman l’on conduit tout naturellement à intégrer le Berklee College Of Music comme professeur agrégé. La constitution de ce trio avec François Moutin et Raphaël Pannier présente une particularité, c’est la première fois que ce pianiste formé dans la tradition de l’école russe du piano enregistre en trio.

Les parfums de la Géorgie traversent cet album et nous rappellent combien les influences européennes et asiatiques sont étroitement mêlées dans la musique traditionnelle. La composition de Sulkhan Tsintsadze « Dolls Are Laughing » est cristalline, les méandres du piano accueillent une intervention soliste de François Moutin qui récidive superbement dans « Nana », véritable célébration mélodique écrite par Giorgi Mikadze. Quelques échos solaliens surgissent au détour des phrasés de « Not Easy To Repeat » composée par David Toradze et le jeu subtil aux balais de Raphaël Pannier valorise l’entrée de « The Moon Over Mtatsminda », œuvre de Jansugh Kakhidze.

L’immense richesse musicale déployée depuis des siècles dans les provinces géorgiennes, d’où sont issus des chants polyphoniques caractéristiques, se déploie dans Face to Face qui révèle un musicien émérite. Ce premier volume très grisant augure avec bonheur d’un nouvel opus à venir.

par Mario Borroni // Publié le 26 mai 2024
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