Tribune

Slide Hampton, pour l’amour du trombone

Hommage au tromboniste (1932-2021) maître du jeu de coulisse.


Slide Hampton © Yann Renoult

Pièce indissociable de l’histoire du big-band étasunien, le tromboniste gaucher Slide Hampton était de ceux sur lequel le temps n’avait pas de prise. Maître de son instrument, notamment d’un jeu de coulisse particulièrement suave qui lui valait son surnom, Locksley Wellington Hampton, né en 1932, est mort le 18 novembre dernier. On lui doit de nombreuses collaborations avec Dizzy Gillespie ou Buddy Johnson. Ainsi que son grand œuvre, World of Trombones, paru en 1979.

Curtis Fuller et Steve Turre entre autres : une armée de jeunes trombonistes qui viennent construire une orgie de trombone avec le vétéran Slide Hampton, voilà ce qu’est ce disque mythique pour les amoureux de coulisses à l’orée des années 80. Dans « Lester Leaps In », pur morceau be-bop de Lester Young, chacun des neuf trombonistes prend un solo et tous se rejoignent dans des tutti brillants. C’est la première image sonore qui vient à l’évocation de Slide Hampton, mais les références sont bien plus larges.

Greg Gisbert & Slide Hampton © Yann Renoult

On pense notamment à A Day in Copenhagen avec Dexter Gordon, enregistré au Danemark en 1969 avec des représentants de la scène locale comme Niels-Henning Ørsted-Pedersen à la contrebasse. L’échange entre les deux figures du be-bop est intense et définit immédiatement le style de Slide Hampton : dans « What’s New », Gordon laisse la place à un solo du tromboniste qui attaque avec une douceur rare avant d’accélérer sans perdre de sa fluidité. Le jeu d’Hampton est dépourvu de toute tentation lyrique, préférant la simplicité et la vélocité, sans doute acquise dans les grands orchestres.

Très impliqué dans la lutte pour les droits civiques, Slide Hampton dirigera en 2006 un Ultra Big Band commissionné pour un Tribute to Afro-American Greatness. C’est un des avatars de ses grands talents d’arrangeur qui en font une valeur sûre des pupitres de cuivres : en 2003, il réunira de nouveau la grande famille des trombonistes avec une nouvelle génération (Jay Hashby, Isaac Smith), mais aussi des vétérans comme Benny Powell dans Spirit of The Horn. Son talent d’arrangeur s’est nourri des expériences de ses deux grandes sœurs, la contrebassiste Virtue Hampton et la chanteuse et saxophoniste Dawn Hampton. Pour apprécier son travail en grand format, délié de ses collaborations des années 50, on écoutera Sister Salvation en octet, enregistré en 1960 avec notamment Pete La Roca à la batterie ou plus encore la Drum Suite enregistrée en 1962 avec Max Roach et Yusef Lateef, dénotant un intérêt de Slide Hampton pour le rythme et plus largement pour la scansion. On le retrouve également dans des orchestres et des disques prestigieux comme le Uhuru Africa de Randy Weston ou le 13th House de McCoy Tyner.

Avec Slide Hampton, c’est une colonne vertébrale du jazz étasunien et du trombone qui nous quitte.