Chronique

Chamber 4

Dawn to Dusk

Marcelo Dos Reis (g), Luís Vicente (tp), Théo Ceccaldi (vln), Valentin Ceccaldi (cello)

Label / Distribution : JACC Records

Sept ans ont passé depuis le Live at Ler Devagar qui propulsa Chamber 4 parmi les orchestres européens les plus créatifs pour de jeunes musiciens en devenir. Le septennat n’est plus une mesure temporelle à la mode, mais elle acte quelque chose : c’est un temps immense dans la carrière d’un jeune musicien, autant qu’un âge de raison. Il n’y aura qu’à jeter un œil aux discographies respectives pour s’en convaincre. De Constantine pour Théo et Valentin Ceccaldi à The Fall pour les inséparables Marcelo Dos Reis et Luís Vicente, les musiciens de ce quartet chambriste ont eu le temps de s’imposer, jusqu’à devenir assez incontournables. Leur nouvelle rencontre, enregistrée à la fin de l’année 2020 en est rendue encore plus excitante. Sur « Dawn », le premier long morceau, « l’aube », c’est le violon de Théo Ceccaldi qui se lève en premier, dans une sorte de cycle mélancolique entretenu par la guitare. Tout prend son temps, comme une lumière qui monte dans la fumée du brouillard. La trompette de Vicente évoque quelque animal sauvage qui fourrage dans l’ombre avant de devenir plus solaire. Les sensations sont là.

Jamais peut-être la musique de Chamber 4 et de chacun de ses musiciens n’a été ancrée dans une forme aussi descriptive, comme un bouquet d’image égrenées avec un sens certain de la mise en scène. Lorsque le violoncelle de Valentin Ceccaldi se saisit de l’espace au centre de « Dawn », comme une rocaille qui se chauffe au cagnard lointain de la trompette, on est saisi par le travail de Chamber 4 pour évoquer la journée qui s’échappe ; plus loin, sur « To », c’est la guitare de Dos Reis qui fait monter la température en compagnie de Vicente. Les cordes errent et se heurtent, donnant un sentiment de sécheresse. La lente course de l’astre qu’illustre Chamber 4 s’est arrêtée en plein désert, et lorsque culmine le soleil, au-dessus du néant, le temps ne se suspend pas. C’est le violon qui doucement, sans s’alarmer, sonne l’instant de la descente. Un long cycle recommencé.

Avec Dawn to Dusk, de l’aube au crépuscule, les musiciens de Chamber 4 s’offrent un album à prendre comme une pièce contemporaine fine et ciselée bien qu’entièrement confiée aux formes improvisées. C’est sans doute « Dusk » - nécessairement morceau final avant, bien sûr, un éternel recommencement qui est le thème de l’album - qui en tire toute la quintessence. L’astre s’enfonce dans les limbes, mais la nature s’embrase avant de replonger dans les ténèbres. C’est la guitare qui de nouveau devient le guide, comme le fil à plomb d’une trajectoire qu’empruntent d’abord les autres cordes, celles du violon dans toute leur démesure, et celles du violoncelle avec une géométrie plus anguleuse. La trompette, quant à elle, jouit d’une totale liberté ; elle irradie, elle flambe, elle darde ses rayons jusqu’aux derniers moments, quand le temps réduit chacun au silence, devenu intranquille en dépit de la quiétude qui nimbe cette musique. Avec Dawn to Dusk, paru sur le label lusitanien Jacc Records, les musiciens de Chamber 4 ne sont pas loin de leur zénith.

par Franpi Barriaux // Publié le 4 septembre 2022
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