Entretien

Staïcu

voïévode de Valachie

Ce nom vous est peut être inconnu, pourtant son portrait fleurit les murs de la capitale. En effet, à l’affiche du spectacle « Duel », Paul Christian n’en est pas moins un acteur de la scène jazz française. Il vient juste de sortir son disque en septette.

- Ta première apparition remarquée fut dans le big band de George Russell « Living Time Orchestra ». Comment s’est opéré le choix du pianiste ?

Au départ, il était juste venu faire une master classe au Conservatoire National Supérieur de Musique(CNSM). C’était en 1993. Mes capacités d’anglais ont fait que j’ai servi d’interprète. De ce fait, on a fait plus ample connaissance. De plus, lorsqu’il a été question de participer à un concert du Living Time Orchestra à Banlieue Bleue, la partition de clavier 3 était très épaisse et complètement écrite. Il fallait donc quelqu’un qui lise, plus qu’un improvisateur et je pense que je correspondais au profil. La base de l’orchestre était le sien. Les élèves de la classe étaient présents en « renfort ».
Lorsqu’il est revenu en 1996, je ne pourrais pas dire par quel moyen, mais j’ai reçu à la maison la partition solo du Living Time Orchestra, qui avait été écrite à l’origine pour Bill Evans. J’appelle François Jeanneau (professeur au département jazz du CSM) pour demander si c’était une erreur. Il me répond que si c’était une erreur ça se saurait.

C’est une expérience fabuleuse. C’est une musique très à part – pas uniquement parce que c’est une musique difficile - mais parce que c’est une musique pour laquelle il faut s’arrêter et écouter. Je fais un parallèle avec la musique contemporaine, un genre de Stockhausen du jazz. Ce qu’il fait va au delà de l’arrangement.

- Ta première rencontre musicale fut donc en tant qu’interprète. Par la suite, le fait d’avoir travaillé avec George Russell t’a-t-il orienté à intégrer ses notions dans tes compositions.

Je ne peux pas dire que cela m’ait orienté mais ça a changé mes pensées.Je me penche plus sur le sens général de l’œuvre. La première influence est de savoir quel est le sens d’une musique, ce n’est pas juste un ABA ou une autre forme. Il faut savoir ce que l’on veut dire. Ensuite, il y a la notion de technique pure, notamment commet faire sonner une petite formation pour que cela paraisse plus étoffé, plus large – parce que l’écriture de George est une écriture grand orchestre. J’ai été plus poussé vers le plaisir du grand orchestre.

- Une pensée plus verticale en quelque sorte.

Avant vertical ou horizontal, je dirai importance de l’amplitude. Le son c’est ce qui a été à la base de la formation de mon Septet. Avant, je jouais essentiellement en trio, puis j’y ai adjoint 4 cuivres.

- Ce projet était donc à la base pour trio ?

C’est assez complexe. Ayant eu les deux formations en parallèle, j’ai toujours été préoccupé par les deux. Le trio étant la rythmique du septet.
Ayant une réflexion sur le septet et une autre sur le trio, il me paraissait évident d’essayer de les faire coïncider d’une certaine manière, de faire un 2 en 1 musical. C’était l’idée de base de l’enregistrement.

- L’album présente une certaine unité d’esprit même si le travail des deux formations est complètement différent.

J’ai essayé de faire un répertoire qui soit un peu dans la même optique pour les deux, et de les faire jouer à la fois ensemble et séparément.

- Tes compositions sont très écrites, elles ne ressemblent pas à des arrangements.

C’est défini par instrument. J’essaie de trouver une écriture aboutie pour chaque morceau et qui sonne le mieux possible avec la formation présente. Si on désire faire un arrangement plus interchangeable, forcément on ne peut pas allé aussi loin dans l’écriture.

Les morceaux du disque sont entièrement écrits pour le septet mais j’espère à moyen terme les concrétiser dans d’autres projets.
Le répertoire est inspiré de la musique traditionnelle roumaine, des standards de jazz et une touche de classique, notamment dans les arrangements pour cuivres.

Le projet s’intitule « Valah », Un valah, dans la langue roumaine, c’est un habitant de la Valachie. Or Bucarest, la ville dont je suis originaire, était située en Valachie, avant de devenir la Roumanie.

- Peux-tu nous parler du spectacle que tu as monté avec la chanteuse Anne Quinaud, en 1997 ?

Nous avons tourné 4 ans avec un spectacle intitulé « Gershwin Rhapsody », un spectacle monté par les JMF (jeunesse musicale de France) – une création de Thierry Bongards Lebbs. Nous avons proposé la musique et lui a organisé tout ça en un spectacle entier. En une heure vingt nous balayons toute la vie du compositeur. Se côtoie dans cette création jazz et musique classique de l’époque (Ravel, Debussy).

- Tu es à l’affiche du spectacle musical « Duel ». Peux-tu nous en dire quelques mots ?

Nous avons monté ce spectacle avec Laurent Cirade, l’ancien violoncelliste de « Quator ». Il s’agit d’un duo assez burlesque. Je ne ceux pas dévoiler l’histoire mais à un moment je me retrouve à jouer du piano avec des menottes !

- Depuis 1996, tu enseignes le jazz à l’Ecole Normale.

Ce cours est uniquement ouvert aux élèves pianistes. Cela s’adresse essentiellement aux élèves de l’école qui suivent les cours de piano classique. Au départ ce n’était qu’une option, aujourd’hui certaines personnes ne s’inscrivent que dans ce cours.

Je dispense à la fois des cours pratique et théoriques. Ce sont des cours de groupes, où chacun passe au piano tour à tour. Nous faisons aussi des analyses de répertoire afin de pouvoir aborder tous les styles.

- Pour accéder à ton cours, faut-il avoir un niveau pianistique minimum requis ?

Oui, il faut être en position de maîtriser son instrument. Il s’agit ici de se familiariser avec une musique. Le niveau correspond à celui du concours d’entrer à l’Ecole Normale, c’est-à-dire à peu prés Fin d’Etude.

A écouter :

  • Paul Christian Staïcu, Valah, Cristal Records
  • Avec Stéphane Guillaume, Miage, Pygmalion
  • Avec George Russell, It’s about time,Label Bleu