Chronique

Summer Residence

Clazzics

Bernard Guyot (ss, ts), Jean-Paul Estièvenard (tp, flh), Stéphane Mercier (as), Charles Loos (p, rhodes), Peter Hertmans (g), Boris Schmidt (b), Wim Eggermont (dms)

Label / Distribution : Cypres

Créé en 2008 avec comme vocation d’être éphémère, le septet belge Summer Residence réuni autour du pianiste Charles Loos et du saxophoniste Bernard Guyot est de ces formations précaires qui durent sans souci du périssable. Composé de musiciens dont le trait d’union reste Dré Pallemaerts, avec qui tous ou presque ont travaillé (ce qui se perçoit dans le drumming très coloriste de Wim Eggermont), Summer Residence propose avec Clazzics une pérégrination en forme de circuit touristique autour des compositeurs belges. La notion de belgitude est ici fort large d’ailleurs, puisque dans ce beau pays qui a souvent changé de souverain, et quand bien même l’on sait depuis Jules César - et Astérix - qu’Horum omnium fortissimi sunt Belgae [1], on n’est belge à part entière que depuis 1830.

Ainsi du montois Roland de Lassus (XVIè), dont Charles Loos livre un magnifique arrangement de « Suzanne un Jour » où s’illustre le timbre très clair et lumineux du trompettiste Jean-Paul Estièvenard, jusqu’à César Franck, né hollandais à Liège en 1822 et mort français à Paris en 1870, dont la très belle « Sonata in A Major  : 4è mouvement » permet d’apprécier le jeu très musical du contrebassiste Boris Schmidt, le voyage présente des frontières mouvantes mais une direction unique. Celle de faire du riche fonds de la musique écrite occidentale du nord de l’Europe un terrain de jeu pour des arrangeurs audacieux et des musiciens au large spectre stylistique. « Les fleurs pâles du souvenir », pièce pleine de spleen du compositeur Guillaume Lekeu, revu par le saxophoniste Stéphane Mercier permet ainsi une belle discussion entre les soufflants, soutenue par le piano très rassembleur de Loos.

C’est à Eugène Ysaÿe que l’orchestre s’attache le plus, avec trois morceaux - parmi lesquels la « Sonata No. 3 for Solo Violin » arrangée par le guitariste Peter Hertmans, qui s’offre un solo hargneux. La discussion avec la contrebasse, centrale dans la pièce, rend hommage à la science des cordes d’Ysaÿe ; si le matériau est chamboulé, l’architecture générale reste. L’époque importe peu, ce qui compte, c’est ce que Summer Residence en fait. Si on peut constater comme souvent que la musique ancienne est une source d’inspiration idéale pour le jazz, comme en témoigne « La Reyne de Prusse », de Jacques de Saint-Luc, et son réjouissant solo de Rhodes, l’approche contrapuntique de « Rêve d’enfant » (Ysaÿe) s’avère particulièrement bien adaptée. Une visite curieuse qui permet également d’aller à la découverte d’autres musiciens belges - ceux du jazz cette fois. Il serait dommage de manquer ce voyage.

par Franpi Barriaux // Publié le 12 janvier 2015

[1De tous les peuples, les Belges sont les plus braves.