Chronique

Hradčany

Y’OCAM

Serge Adam (tp, flh), David Venitucci (acc), Philippe Botta (as, ss, cl), François Verly (perc)

Label / Distribution : Quoi de Neuf Docteur

Hradčany est un enfant du siècle. Voila plus de quinze ans que le trompettiste Serge Adam et ses deux compagnons investissent une musique qui prend ses aises près du château de Prague mais rayonne sur l’Europe Centrale et pousse même ses visites jusqu’aux portes du Bosphore, là où le brassage a rendu caduques les limites franches entre Europe et Asie. C’est un répertoire moderne qui chante cependant le souvenir de la grandeur des Empires rivaux, l’Ottoman et l’Austro-Hongrois. En témoigne le très doux « Besh Yildan Sakkiz » où l’accordéon de David Venitucci se joue des modes orientaux en galvanisant les timbres de la trompette. C’est un folklore qui, s’il n’est pas tout à fait imaginaire, est parfaitement fantasmé et s’offre des brassées de contemplations et d’errances, à commencer par « Hej », en tout fin d’album, lorsque François Verly vient exceptionnellement ajouter son daf à un trio sans percussions.

Baguenauder dans la musique des Balkans et leurs alentours sans tambours mais avec trompette, la gageure peut sembler très osée. Pourtant, « Thrace – Kimerit Bacalari Nasti Usava » démontre, comme c’est le cas depuis toujours, que Hradčany n’a pas besoin de percussions pour danser et faire danser. L’accordéon souffle des basses autant qu’il souffle des braises et structure une écriture très horizontale où le saxophone de Philippe Botta répond à la trompette dans une volonté d’étourdir le propos et l’auditeur comme après une douce valse.

Hradčany aime faire danser sans pour autant s’arrêter de réfléchir. Y’OCAM est un manifeste pour la musique cosmopolite qui provoque le dandinement du bas des reins, mais sans pousser spécialement à la transe. Tout est insinué en douceur, avec beaucoup de poésie et cette petite pointe de nostalgie qui traîne toujours sur les contreforts de la capitale tchèque et qui réchauffe souvent les vieilles pierres humides et les cœurs des maraudeurs. Hradčany est une musique canaille et joyeuse, à l’image des quartiers de Prague que l’orchestre incarne.