Chronique

The First Sound

Basssss

Peter Jacquemyn (b & voc), Pieter Lenaerts (b & voc), Yannick Peeters (b), Kristof Roseeuw (b), Lode Leire (b)

Label / Distribution : El Negocito Records

Vingt cordes, deux voix, un double album. Les choses auraient pu être aussi simples que ça. Et pourtant rien n’est facile avec ce disque, ou plutôt ces disques : du titre à la pochette, de l’objet au contenu musical, tout est fait pour nous perdre. Ce qui est certain, c’est que The First Sound, comme son nom l’indique, fait jaillir des sons primitifs qu’on dirait sortis des entrailles de la terre. Il ne cherche pas à nous émouvoir avec des mélodies qu’on fredonne ensuite pour se donner du baume au cœur, mais il parvient à nous toucher par la justesse des harmonies et des tensions qu’elles créent. Il y a un dépouillement, une honnêteté dans la démarche qui se traduit par cette approche directe, sans fard, et apaisante car emplie de justesse.

Passer à côté de ce genre de performance est coutumier. Pourtant, rien ne serait plus dommage, car il s’agit de musique profonde, forte, d’un ensemble cohérent et en accord sur le mode d’expression. Mais harmonieux ne signifie pas inoffensif, c’est même souvent l’inverse. Elle peut remuer, cette musique. Qui dit primitif dit un peu retour à la racine de toute chose, y compris des maux. Il serait étonnant de demander à cinq contrebassistes de faire du bruit et de l’enregistrer. Gageons que l’entreprise va plus loin, et qu’il est peut-être temps d’ouvrir nos oreilles cachées, comme disait un certain David S. Ware.

The First Sound est un disque qui éparpille les sons et qui en met partout, parce qu’il n’a pas jugé bon de se donner un cadre. Derrière cette légèreté d’exécution, chaque bassiste s’applique à porter avec beaucoup de rigueur l’intention du compositeur, le coupable de cette météorite musicale, Peter Jacquemyn, qui se voit condamné à être qualifié de génie en ces quelques lignes. Parce qu’il a réalisé là une œuvre réellement digne d’intérêt, pas facile à appréhender - ne nous racontons pas d’histoires - mais en prenant la peine de franchir les barrières qu’on a placées ça et là sans trop savoir pourquoi, on pourrait bien y découvrir un monde, voire s’y retrouver.