Chronique

Raphaël Imbert, Johan Farjot

Les 1001 Nuits du Jazz

Raphaël Imbert (saxes), Johan Farjot (p, org) + invité.e.s

Label / Distribution : La Compagnie Nine Spirit

Raphaël Imbert est un immense musicien, et si c’est déjà beaucoup, ce n’est pas tout. Instrumentiste, compositeur, auteur, il a également une vocation d’historien du jazz, d’archiviste même. À ce titre, on recommande autant la lecture de son livre « Jazz suprême : Initiés, mystiques et prophètes » [1], une œuvre littéraire et historique sans pareille, que l’écoute de sa musique, profonde et à son tour mystique. En Johan Farjot, le saxophoniste a trouvé une sorte d’alter ego. Rares en effet sont les musicien.ne.s qui embrassent leur art sous tous ses aspects, qui combinent aussi bien connaissance profonde et pratique virtuose. C’est le cas ici.

Guillaume Cornut est à l’origine de 1001 Nuits du Jazz, une idée originale qui coïncide avec la réouverture en 2017 du Bal Blomet. Décrit tour à tour comme un documentaire musical, une œuvre pédagogique, le risque était de faire du projet quelque chose de bien trop académique pour n’être finalement qu’éducatif. Mais sous la direction de Raphaël Imbert et Johan Farjot, l’idée devient géniale, passionnante.

Les deux hommes se sont entourés de jeunes espoirs issus du CNSM de Paris et du Centre des Musiques Didier Lockwood, auxquels s’ajoutent un nombre impressionnant d’invité.e.s de choix comme Daniel Humair, Anne Paceo ou Hugh Coltman. En dix titres, le jazz n’est pas que présenté, il est vécu et véhiculé. Les compositions en dévoilent les horizons, puisqu’on y rencontre Ray Charles, Duke Ellington, Robert Johnson, Daniel Humair, Raphaël Imbert, Johan Farjot, mais aussi Bob Marley, et Mulatu Astatke, dont la magnifique « Yekemo Sew » est ici réveillée de façon absolument magique. John Coltrane n’est pas absent, puisqu’une improvisation lui est dédiée.

Le succès fut total et le Bal Blomet n’a pas désempli au cours de deux années de représentations. De quoi le jazz est-il le nom ? La question a initié le projet et clôt l’album dans un texte signé Raphaël Imbert. À l’image de la musique qui en libère l’esprit, le texte souligne que toute tentative de définition est hasardeuse. Et pour cause, on ne saurait définir ce qui n’a jamais réellement commencé. « Libérer ce qui doit rester libre, tel est le nom du jazz ». C’est peut-être aussi simple que ça.

par Raphaël Benoit // Publié le 19 avril 2020
P.-S. :

[1Éditions de l’Éclat, 2014.