Chronique

The Wynton Marsalis Quintet & Richard Galliano

From Billie Holiday to Edith Piaf - Live in Marciac

Label / Distribution : Harmonia Mundi

Ce CD-DVD, From Billie Holiday to Edith Piaf, aurait pu inquiéter de prime abord : un hommage célébrant deux des chanteuses les plus célèbres, tragiques icônes de la variété et du jazz, en direct de la grand messe du jazz estival. Richard Galliano, roi du piano à bretelles, retrouve pour l’occasion le quintet de Wynton Marsalis, le trompettiste néo-orléanais, chez lui à Marciac depuis si longtemps qu’il semble y être né.

L’idée est pourtant bonne : si on parle aux Américains de Johnny Halliday, peu de chance qu’ils identifient le « French Elvis » ; mais vu le triomphe (mérité) de Marion Cotillard à Hollywood dans La Môme, Piaf est associée à jamais à l’image de la France dans la mémoire collective américaine. Alors pour évoquer Piaf, l’accordéon, la java, le nom de Galliano s’impose. En terre gersoise, le roi des musiques métisses peut rencontrer le digne descendant de Louis, le roi de la trompette, qui a connu Billie Holiday. N’ont ils pas joué et chanté “Do You Know What It Means To Miss New Orleans ?” Et la destinée tragique de Lady Day ne s’apparente-t-il pas à la vie tourmentée d’Edith Piaf ?

Le répertoire est tout trouvé : un programme convenu mais soigneusement choisi, dans la tradition du jazz, la musique du XXè siècle. Ça swingue très vite, le public chavire, on sait qu’il est bon enfant, et puis il connaît tous les tubes par cœur. On est bien obligé de reconnaître que l’alliage fonctionne et trouve même une nouvelle vigueur, des élans et une chair insoupçonnés sur « Padam », qui commence le concert. Sur « Them There Eyes », on aime la belle intervention de Walter Blanding au saxophone, suivi de Wynton Marsalis, « passeur » d’un son de trompette hérité de la Nouvelle Orléans. « What A Little Moonlight Can Do »… attaque sur un tempo très vif, que poursuit un joli numéro de baguettes claquettes ! « L’homme à la moto » donne à voir et entendre un échange heureux entre Marsalis et Galliano.
Les titres s’enchaînent avec élégance : même sans paroles, le célèbre « Strange Fruit » laisse passer l’émotion d’une marche funèbre, référence aux « dirge » et « stomp » de la Nouvelle-Orléans.

C’est que le jazz a repris ses droits, jouant et déjouant les arrangements des deux leaders, soignés et subtils : ce sont de vraies versions revisitées de « standards », jouées avec conviction, talent et savoir-faire, par des musiciens impeccables. On finit par ne plus penser à Piaf ni à Billie, simplement à cette musique irrésistiblement entraînante, et c’est très bien ainsi.